Enième soirée de l’année, toujours la même rengaine. Ryan avait déjà bien bu quand il sortit de la boîte de nuit en titubant pour s’aérer. Ces soirées donnaient vite la sensation d’étouffer, entre les fumées de cigarettes et marijuana, l’odeur de transpiration et d’alcool et les gens collés serrés. Le reste de la bande était resté à l’intérieur, sans doute n’avaient-ils pas remarqué que Ryan s’était éclipsé. Il s’assit contre un mur du bâtiment et s’alluma une clope, avant de prendre une bouffée de poison. Il releva la tête en entendant une fille crier un prénom puis un autre, près de la sortie de la boîte de nuit. Ryan s’agrippa au mur pour se remettre debout, et s’avança jusqu’à la jeune fille en question. Peut-être sa vision était-elle trop trouble pour y voir clair mais elle semblait jeune. Avait-elle seulement l’âge légal pour entrer en boite ? Ou pour se faire draguer par un mec de vingt-et-un ans ? « Hey ! » lui lança-t-il pour l’interpeler. Cette fille était beaucoup trop belle pour être réelle. « T’aurais pas 2$ pour que je te paie un verre ? » Ben quoi ? C’est l’intention qui compte non ? Ryan c’était le genre de pote qui à avoir des dettes envers la ville entière et à continuer à sortir tous les week-end. Mais il finissait toujours pas rembourser, même si l’argent rendu n’était pas toujours propre.

Toute cette agitation autour de lui, Ryan n’en avait pas pris conscience tout de suite. Il faut dire qu’il n’était pas vraiment dans de bonnes dispositions pour prêter attention à tout ce qu’il se passait aux alentours. Et en cet instant, il n’avait d’yeux que pour la demoiselle qui était devant lui. L’avantage avec l’alcool, c’était qu’il oubliait qu’il n’avait aucune chance. Alors il tenta une approche, maladroite, pathétique, un peu drôle. «  tu sais qu'le principe de payer un verre, c'est qu'ce soit toi, qui le paie ? » Ryan fronça les sourcils et mit quelques secondes à comprendre où elle voulait en venir. Elle n’avait pas dit non, en tout cas. « putain ... » Il suivit son regard et grimaça en détournant la tête. Lui-même ne se sentait pas très bien. Dans cette situation, voir quelqu’un vomir était une très mauvaise idée. « C’est ta pote ? » Les potes boulets, il connaissait pas trop. C’était plutôt lui le boulet en soirée. Le mec trop bourré pour rentrer, le mec qui vomit dans la voiture, le mec qui essaye à tout prix de ramener une fille dans son plumard. C’était lui.  « Si c’est pas trop l’moment pour un verre on peut euh… faire autre chose. » Ne pas penser au vomi, ne pas penser au vomi, ne pas penser au vomi. « Avec tout honneur tout bon… Non, tout honneur avec bien ? J’sais plus » En tout bien tout honneur. C’est ce qu’il avait voulu dire mais qu’il n’était pas parvenu à exprimer.

« ouais. elle veut rentrer mais y'a l'autre qui reste collée à un mec sur les banquettes. » C’était donc à ça qu’il ressemblait après le verre de trop. Elle était dans un piteux état, cette fille. Mais elle avait de la chance d’avoir une pote qui la lâche pas. Malgré le taux d’alcool qu’il avait dans le sang, Ryan comprit que la jeune femme n’était pas vraiment dans les meilleures dispositions pour boire un verre à ce moment. « pour le verre, ça sera avec plaisir pour une autre fois » Il peinait à y croire, mais il lui esquissa un sourire. Dans quelques heures, il aura déjà effacé cette conversation de sa mémoire. Alors elle pouvait bien lui mentir, ça n’avait aucune importance au final. Mais Ryan n’en démordait pas, il était ouvert à toutes autres activités, pourvu qu’il passe un peu de temps avec la belle. Alors il le lui proposa. Et s’emmêla les pinceaux avec cette foutue expression que les prétendus gentlemen prononcent toujours dans les films. « en tout bien, tout honneur, c'est ça ? » Voilà ce qu’il avait voulu dire, sans que les mots ne s’enchaînent dans le bon ordre. De quoi bien le ridiculiser. « Ouais, ouais voilà c’est ça. En tout bien tout honneur. » Elle n’était pas partie en courant, c’était déjà bon signe. « tu pourrais ... m'aider ? faut que je trouve les deux autres ... mais s'tu veux ou n'peux pas, y'a aucun souci hein. » C’était vraiment à lui qu’elle demandait ça ? Lui, bien imbibé et qu’elle connaissait depuis deux minutes à peine ? Qu’à cela ne tienne. Il n’allait pas lui dire non. « Euh ouais bien sûr. Mais j’les connais pas tes potes, je saurais pas vraiment t’aider à les trouver. »