- searching for a sweet surrender -
grace bentham x graham shreve

L'appartement était calme. Généralement à cette heure-ci, la télévision en bruit de fond, les jumeaux hurlaient qu'ils avaient faim, pendant que leur père tentait de faire ne serait-ce qu'un gratin de pâtes qu'il ne brulerait pas, trop occupé à faire plusieurs choses à la fois. Depuis qu'il était seul, seul avec deux enfants, il était devenu le roi du multitasking. Généralement. Combien de fois avait-il oublié le repas au four. Au moins cinq fois. Dans la semaine. Derrière les fourneaux, Graham finissait de préparer le repas du soir. Mais pour une fois, pas un seul bruit, seulement les plaques de cuisson qui finissait de préparer son stobhach gaelach. Bien sûr, qu'il avait fait un plat irlandais. C'était bien trop rare qu'il reçoive quelqu'un, bien trop rare qu'il ait le temps de cuisiner les recettes de sa mère, pour ne pas sauter sur l'occasion. Il espérait que Grace apprécierait, mais il n'en doutait pas. Grace était bien trop gentille pour que ce ne soit pas le cas. Dans le pire des cas, il avait noté le numéro d'un livreur de pizza non loin de là. Il venait tout juste d'éteindre sa cuisinière lorsqu'on frappa à la porte. Un léger sourire se fit voir sur le visage toujours fermé de l'homme. Jetant quelques ustensiles dans l'évier pour faire un semblant de rangement, il s'essuya rapidement les mains avant d'aller ouvrir la porte. — Salut Grace. — dit-il en lui souriant doucement, s'écartant pour la laisser entrer dans l'appartement qu'elle commençait à connaitre sûrement comme chez elle. Il n'y avait pas beaucoup de personnes que Graham supportait, depuis la disparition de sa femme. Mais Grace, elle avait tendance à panser ses blessures, à alléger son chagrin, à chaque fois qu'elle était là. Elle savait quoi faire, quoi dire, et c'était étrangement toujours avec plaisir qu'il la recevait, là où d'autres auraient eu un accueil bien froid. Venant la prendre rapidement dans ses bras, il l'embrassa doucement sur la joue avant de s'écarter, refermant la porte derrière eux. — C'est vraiment génial que tu ai pu venir, et puis, encore merci pour les petits. — Car s'il l'avait invité avec l'idée qu'ils mangeraient pendant que les enfants, ceux de Grace et les siens, seraient dans un coin en train d'hurler et de s'amuser à leur manière, la possibilité de passer une soirée entre adultes, avec une amie, le réjouissait plus qu'il n'oserait le montrer.

Elle ne pouvait pas dire que la proposition de Graham ne l’avait pas fait sourire : ça aurait été un mensonge. Et ce sourire, il n’avait pas quitté son visage du reste de l’après-midi, alors qu’elle flottait sur un petit nuage, à la simple pensée de passer une soirée seul à seul avec son charmant voisin. Oui, elle s’était attachée à cet homme que la vie avait ébranlé, et qui lui avait arraché son épouse, presque au même moment où elle perdait le sien. Elle vivait mal la perte de son bien-aimé, mais au moins avait-elle la certitude qu’il était réellement mort. Portée disparue, l’état de sa femme restait inconnue, et même s’il tentait de garder espoir d’un jour la revoir, les chances qu’on la retrouve, morte ou vivante, diminuait de jour en jour. Grace ne pouvait imaginer à quel point ça devait être terrible de vivre avec terrible point d’interrogation dans sa vie. Aucune possibilité de passer à autre chose, aucune possibilité de faire son deuil. Peut-être est-ce pour cette raison qu’elle s’était autant attachée à lui, et qu’elle tentait, par tous les moyens possibles, de rendre son quotidien plus agréable, avec de petites attentions ici et là, à l’égard de Graham et ses enfants. Parlant de ces derniers, les voilà qui débarquaient chez elle, tels deux petites tornades prêtes à mettre la pagaille dans sa maison. Caleb était déjà à leur trousse, et les rires se faisaient entendre dans le salon, alors qu’elle se préparait, vite fait, dans sa chambre. Jane était dans les bras de Cat, calme comme un ange, malgré tout ce tumulte autour d’elle. Fin prête, elle récupéra son manteau et sa tarte, qui reposait sur le comptoir de la cuisine, avant de saluer tout ce beau monde qu’elle laissait derrière elle. Elle ne voulait même pas imaginer une seule seconde dans quel état elle retrouverait son logis, à son retour. Mieux valait ne même pas y penser. Traversant les quelques mètres qui séparait sa résidence de l’appartement du Shreve, elle ne mit qu’un moment avant d’être devant sa porte, où elle cogna à sa porte. Graham ne tarda pas à l’inviter à le rejoindre à l’intérieur, un fin sourire étirant ses lèvres. – Bonsoir ! – Cette résidence, elle la considérait un peu comme son deuxième chez soi : elle s’y sentait bien, à l’aise. La présence de Graham n’y était strictement pour rien. Il déposa un doux baiser sur sa joue tout en la serrant dans ses bras, heureux de la savoir là. Grace sentit le rouge lui monter aux joues, espérant cependant que l’homme ne le remarquerait pas. – Tu sais que ça me fait plaisir. Et ils seront en bonne compagnie, ne t’inquiète pas. – Une délicieuse odeur flottait dans l’air, annonciatrice d’un repas qui risquait de l’être tout autant. – Oh, ça sent bon. J’ai terriblement faim, tout à coup ! – dit-elle, laissant filer un doux rire entre ses dents, alors qu’elle souriait, elle aussi. Elle tendit le dessert à Graham afin de se débarrasser les mains, retirant d’un geste gracieux le manteau qu’elle portait sur ses épaules, qu’elle déposa sur un crochet, près de l’entrée. – Je peux t’être utile à quelque chose? – proposa-t-elle, incapable de se conformer à l’idée qu’elle pouvait parfois, elle aussi, s’asseoir et se laisser servir.

C'était un soulagement, une soirée pareille. Lui qui tentait d'avoir, malgré tout, toujours absolument tout sous contrôle, savait que lorsque Grace était là, il n'avait plus à s'inquiéter. Les jumeaux étaient gardés dans la maison d'à côté, le repas était prêt, il allait enfin pouvoir souffler un peu, laisser le tablier de père dans un coin pour redevenir un homme tout simplement, peut-être même s'apitoyer sur son sort, si le coeur lui en disait. Car Grace, elle ne le jugeait pas. Elle était bien trop gentille et douce pour ça. Son sourire dès qu'il eu ouvert la porte allégea directement le poids constant qu'il portait sur ses épaules. Refermant la porte derrière elle, il la laissa entrer avant d'attraper à deux mains le plat qu'elle lui tentait. — Et ce dessert à l'air terriblement bon. Je propose qu'on le mange à deux et qu'on en laisse pas une miette aux enfants, ça changera. — lâchant un petit rire, il alla poser le plat sur le comptoir de la cuisine. — Tout est déjà prêt, mais je peux te servir quelque chose à boire ? J'ai du soda, du jus d'orange... Je dois avoir une bouteille de quelque chose d'un peu plus fort si tu préfères. — Même s'il ne buvait pas, il avait prit l'habitude d'avoir de l'alcool pour les rares invités qui venaient lui rendre visite. De quoi proposer à boire, sans forcément avoir un rangement prévu spécialement pour l'alcool dans la maison, surtout avec deux gosses un peu trop curieux. Une bouteille ferait, il l'espérait, l'affaire. — On pourra trinquer aux parents merveilleux que nous sommes, comme ça. — Le Shreve ne doutait pas de Grace. Elle était une mère exceptionnelle, et une femme exceptionnelle. Il se doutait pourtant que les choses n'étaient sûrement pas toujours parfaite. Il savait ce que c'était qu'être parent célibataire, et même si la belle Grace était bien plus entourée que lui, elle devait parfois passer des épreuves plus dures que d'autres, surtout que la vie n'avait pas toujours été douce avec elle. Il serait là pour l'écouter et la rassurer ce soir, si elle en avait besoin. Sans savoir réellement pourquoi, il voulait être là pour Grace lorsqu'elle en avait besoin.