- long time no see -
elias pearson x carmen reyes
Parfois, il suffit d'ouvrir les yeux, perdu dans les couvertures de son lit, pour savoir que la journée qui se dessine sera mauvaise. Appelez cela de l'intuition ou un sixième sens, mais c'est la tête remplie de négativité que Carmen s'est levée. Des pensées et un comportement qui ne lui ressemblent pas, mais personne n'est à l'abri d'un mauvais jour. C'est la loi de Murphy qui l'a dit. La tartine est tombée du mauvais côté, elle a loupé son bus, son collant s'est troué, elle a manqué de s'étouffer avec son sandwich, etc etc. La liste est longue. Le verre à moitié vide, elle en a même oublié de voir les bons côtés de sa journée. Cette caissière qui a été extrêmement gentille, ce café offert, cette robe trouvée à moitié prix.  Arrivée à la moitié de son après-midi, elle souhaitait déjà pouvoir rentrer dormir afin de se réveiller le lendemain. Le genre de journée qui donne envie de se planquer sous un plaid pour fuir la réalité. Et pourtant, elle fut rattrapée par la vie au supermarché. Il y a peu de choses que Carmen déteste, mais faire les courses en fait partie. Elle trouve que c'est une perte de temps et d'énergie et elle ne supporte pas ni l'endroit, ni la masse de personnes agglutinée qui s'y trouve en général. Mais comme il faut bien manger, elle tente de prendre son mal en patience, se disant que cela conclut en beauté sa journée foireuse. Elle déambule dans les rayons, vêtue d'un jogging, d'un pull oversize et d'un chignon mal fait. Le maquillage n'était même pas une option. Elle n'a qu'une envie : fuir. Peut-être qu'il reste une vieille conserve de petits pois dans ses placards ? Elle pourra revenir un autre jour. Elle lutte avec sa petite voix intérieur qui la somme de finir ce qu'elle a commencé. Mais alors qu'elle arrive à la fin d'une allée, elle croit reconnaître un visage familier à quelques pas. Elle plisse les yeux, comme pour mieux voir au loin, puis cède à la surprise quand elle comprend qu'il s'agit d'Elis. - Fuck, murmure-t-elle, pas certaine de savoir quoi faire. Cela fait quatre ans qu'elle l'évite méticuleusement, qu'elle le fuit comme la peste. Elle ne peut s'empêcher de remarquer qu'il est toujours aussi beau et qu'il a l'air en forme. Elle le déteste pour cela. Mais elle se déteste encore plus d'être habillée de la sorte. Dans la compétition de « qui a mieux réussi après la rupture » il semble, d'apparence en tout cas, l'emporter haut la main. Et elle ne peut pas lui faire face, hors de question. Elle ne peut pas se permettre de perdre, pas après l'odieux message qui a mis un terme à leur relation. Elle recule lentement, essayant tant bien que mal de prendre la fuite sans se faire remarquer. C'était sans compter sur sa maladresse. Elle trébuche contre les conserves de légumes, faisant tomber la moitié du rayon par terre. Une symphonie disgracieuse indiquant sa position à qui veut le savoir. Pour la discrétion, c'est loupé. Ses joues se teintent de rouge alors qu'elle affiche un sourire bancal, à l'image de la situation.

Elle avait presque réussi à l'éviter jusqu'à la fin de ses jours. Presque. Mais le voilà debout au dessus d'elle, à tenter une vieille vanne qui lui donne envie de rouler vulgairement des yeux alors qu'elle se trouve par terre, noyée sous les conserves. Elle ne sait plus bien si elle est victime d'une hallucination due à une boite d'haricots lui ayant cogné la tête, ou s'il se trouve bien là. Mais elle reconnaît son parfum. Elle le reconnaitrait entre mille. Il lui a manqué – souvent. Aujourd'hui, il lui donne seulement la nausée et elle se maudit d'avoir croisé la route d'Elias. Elle se relève et avec elle, le peu de dignité qui lui reste. Elle garde la tête haute, l'air de rien, alors qu'elle essaye de remettre les conserves à leurs places. Elle tousse pour s’éclaircir la gorge, pas certaine de la marche à suivre. Après tout, il n'existe pas de mode d'emploi pour de telles retrouvailles. Surtout pas lorsque la dernière chose qu'elle ait eu de lui, était un message de rupture. Autant dire qu'il ne fait pas partie de ces gens qui redore son ego et elle se serait bien abstenue de le voir. Surtout dans de telles conditions. Elle demeure silencieuse un instant. Celui de trop, sans doute, et peut-être que l'atmosphère devient trop pesant face au mur qu'impose Carmen. Son cerveau surchauffe à ne plus savoir quoi faire. Sa réponse définira le genre d'ex qu'elle désire être : Si elle ne répond pas ou si elle lui envoie des piques, elle sera de celles qui ne sont pas passées à autre chose. Si elle prétend que rien ne s'est passé et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, elle passera pour celle qui souhaite coute que coute remporter la compétition tacite des exs. Elle hésite – vacille, comme la flamme de leur amour sur laquelle il a préféré souffler le jour où il a décidé de la quitter, sans lui donner de réelles raisons. Elle ne l'aime plus. Mais il reste ce goût amer. Celui de la page qui n'a pas pu se tourner, car il manque quelques mots, quelques phrases pour conclure. - Que veux-tu, il paraît que l'on s'améliore avec le temps. J'espère que c'est vrai – pour tout le monde, mais elle s'abstient de prononcer les derniers mots. Non, elle ne veut pas lui faire le plaisir d'avouer à demi-mots qu'elle est toujours blessée de la façon dont les choses se sont terminées. Elle préfère continuer à ranger ce qu'elle a fait tomber en espérant – en priant même, qu'il décide de lui-même de partir. De tourner les talons et de la laisser en paix, parce que les choses n'étaient pas censées se dérouler comme cela. Elles n'étaient pas censées arriver tout court, d'ailleurs. Mais certainement pas dans un supermarché. Pas quand elle a fait tomber la moitié d'un rayon, encore moins dans cette tenue. Pas quand elle est à deux doigts de rempoter haut la main le concours de la plus grosse ringarde du coin.