Des événements en cascade, des catastrophes qui s'enchaînent. Les Costigan, ils pourraient presque louer une de ces maisons lugubres en face du cimetière, tant s'y rendre est devenu une habitude. Un passe-temps macabre, dont ils se passeraient bien. Perdre du monde est devenu une constante dans cette famille. Des peines à perpétuité et des corps abandonnés six pieds sous terre. Les conséquences de mauvaises décisions et de choix douteux, qui les détruisent peu à peu et bousillent leur entourage. Rafferty a été le dernier en date à subir ses propres choix. Devenir un indic, faire la taupe ; il connaissait les risques et il en a payé de sa vie. Ça n'a pas rendu la nouvelle de sa mort moins douloureuse, d'autant plus que sa disparition s'est produite dans d'étranges circonstances. Ces mêmes circonstances qui obsèdent Leonard dernièrement. Quête éternelle de vérité, de réponses à ses questions, qu'il peine à obtenir. Obliger de frapper, de terroriser, de menacer pour avoir des bribes de l'histoire, des fractions de vérité. Il ne veut pas y croire, à la théorie de l'accident, c'est impossible. Trop de coïncidences et mille et une raisons de penser que c'est faux. Son esprit tourne encore à plein régime, alors qu'il est assis dans le silence dans un des grands sofas du salon. Tout ici est teinté de souvenirs, de morceaux d'âme que Rafferty a lui aussi éparpillés ici et là. Le cœur de Costigan se tord. Ces morceaux sont précieux mais ils finiront par disparaître, car tout est périssable, surtout dans ce clan qui semble maudit. La porte d'entrée s'ouvre et une voix appelle la matriarche. Une voix que Leo reconnaît mais qui le fait à peine ciller. Un de ses aînés – tant chéris, tant détestés. Il reste enfoncé dans le sofa et le regard perdu dans le vide, Leo. « Elle n'est pas là. » Les politesses d'usage, il crache dessus. Ni bonjour ni comment tu vas, en ces temps de trouble. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Il pose enfin son regard sur lui. Les prunelles gorgées d'une colère sourde. « T'as oublié quelque chose le jour de l'enterrement ? Faut dire que t'es parti si vite. » Parti comme un voleur. Il n'a pas oublié Leo. Il l'a vu fuir. Et lui aussi aurait aimer s'évader, mais il n'a l'a pas fait. Il est resté, jusqu'au bout, pour voir leur monde s'effondrer.