(burger king)
't'es en train de me dire que y'a pas assez pour un putain de coca?'
il compte ses pièces, encore, encore, encore. une main droite plongée dans la poche de son jogging, l'autre qui tient un billet, décidée à ne pas le lâcher. le caissier fronce les sourcils, jette des regards énervés vers les clients et inquiets derrière lui. (pourvu que le patron me choppe pas, il doit être en train de se dire. pourvu qu'il vienne pas vers moi. ou peut-être qu'il se dit: viens me voir, connard, vire-moi, j'en ai marre de ce boulot de merde, j'en ai marre de ta sale gueule, je veux tout quitter, partir) pourtant, sa tête ne trahit aucune émotion. une légère irritation, peut-être.
'bon, monsieur. si vous n'avez pas assez pour payer, il faut laisser la place aux clients suivants.'
c'est vrai qu'il y a une queue massive derrière lui, mais qu'est-ce qu'il s'en fout amar. c'est un homme d'ambition. peut-être pas d'ambition dans le sens le plus noble du terme. à seize ans, il avait déjà quitté l'école et volait des boucles d'oreilles pour ses petites amies au centre commercial du coin. mais il était déterminé. la réussite de ses ambitions, bien que petites, devenait vitale.
'monsieur?'
il répond toujours pas. il veut pas abandonner, le gamin. il a pas mangé depuis deux jours, enfin, presque rien, alors il y tient à sa commande.
'jcrois qu'il me manque £2..' silence maladroit. 'tu peux pas... faire quelque chose? jsais pas moi, m'offrir le coca?' regard bouche bée du caissier, soupirs lassés derrière, et des cris qui remplissent ses oreilles, des cris de gosses et de gamines pré-pubères. 's'il-te-plaît?'. ce mot là, il le dit rarement. on l'entend souvent le dire, mais le dire sincèrement, c'est quasi-inexistant. il lui jette un regard, puis un regard autour, comme pour vérifier que personne regarde. comme pour couvrir l'erreur volontaire d'un caissier (ou du moins, c'est ce qu'il souhaiterait).