- Demyan & Tessa -
War of hearts

Cela pourrait être un jour comme les autres. Sauf que non. Sauf que j’ai embrassé un acteur, sauf que ma photo est dans les journaux à scandale. Bref, ma journée n’est pas terrible. Je sais que je devrais en rire, profiter un peu, ce n’est rien soit, mais je ne sais pas, je n’y arrive pas. Je ne me réjouis pas de l’image que l’on donne de moi, je ne suis pas provinciale qui profite d’une soirée dans un bar pour embrasser un mec célèbre. Je ne suis pas une profiteuse, personne ne sait ce qui s’est passé entre nous, personne ne semble vouloir savoir la vérité et maintenant on commence à vouloir trop en savoir sur moi. On nous voit déjà en couple… pourtant… Je ne crois pas que ce soit le cas, on ne peut pas dire cela, je le connais à peine et quand je lui ai laissé l’opportunité de me dire qui il était, je n’ai pas obtenu la bonne réponse, alors que suis-je censée penser ? Que c’est un menteur, un acteur qui lui sait parfaitement quoi dire aux filles pour obtenir ce qu’il veut. Bref, il n’est pas fait pour moi et je devrais vraiment le faire sortir de ma tête. Pourquoi son regard me hante ? Je le revois soigner mes pieds après la coupure… Je sens ses mains sur mes hanches lorsqu’il m’a porté. Je suis stupide et faible, mais ce n’est pas parce qu’il est célèbre puisque je l’ai appris en voyant ma tête sur les journaux. J’aurais préféré que cela se passe mieux, qu’il me dise qui il est. L’honnêteté est une base importante dans un couple, si on ne peut pas faire confiance, comment on avance ? Ok, on n’est pas un couple et si ça se trouve, il m’a embrassé parce qu’il était saoul, j’ai trop d’hypothèses en tête et cela commence même à me donner mal à crâne. Il voulait peut-être juste coucher avec moi, il doit avoir un sacré tableau de chasse, on sait comment ils sont les acteurs, les musiciens, les chanteurs, on le sait, parce qu’on les voit justement dans ses magazines, toujours avec des filles différentes. Je dois avouer que je ne lis pas ce genre de presse pourrie, je dois aussi avouer que je ne connais pas du tout la vie sentimentale de Nicholas. Pas Nick… Pff je me sens tellement nulle de ne pas l’avoir reconnu, je me sens bête de ne pas avoir compris. Il a bien dû se marrer à faire croire qu’il était un autre type, je suis sûre que c’est son petit jeu préféré. Il joue avec les femmes et après il disparaît. Je ne suis même pas sûre de le revoir. Pourtant lui crier dessus me défoulerait, LARGEMENT ! Mais je vais aller me défouler sur une autre personne !

Cela fait trois fois que je l’appelle et que je tombe sur la messagerie. On devait prendre le petit-déjeuner ensemble et voilà qu’il me plante. Ce n’est pas la première fois que Dem’ se défile. C’est insupportable, son comportement n’est plus le même, j’ai l’impression que mon frère sombre de plus en plus et que je ne peux rien faire. Elsa lui manque, je le sais, elle me manque à moi aussi mais lui… lui avait un lien privilégié avec notre sœur et il a perdu avec elle, une part de lui-même. Je tente d’être le plus présente possible, mais ce n’est pas évident. Je ne comble pas tout qu’il faudrait. Je ne suis pas Elsa, je l’ai bien compris. Je me gare en bas de chez lui. Je me pointe derrière sa porte. Je veux l’ouvrir mais c’est fermé à clé. Merde, je pensais qu’il serait chez lui, je n’ai pas pris le double. Je frappe, il est peut-être avec son mari, peut-être qu’il est rentré plus tôt. Je frappe, je martèle la porte, pas de réponses. Il m’agace ! Sa voiture est dans la rue, je l’ai vu, il ne peut pas être loin. Je tape encore, encore. « - Dem’ SERIEUSEMENT ! Je sais que t’es là, ouvre ! » Puis je cède. Je soulève son paillasson et je chope la clé de secours, je tourne celle-ci dans la serrure et j’entre. Tout est dans la pénombre à l’intérieur. Je soupire, ça sent presque le fauve. Je me dirige vers sa chambre, pas manqué, il dort là. Je crois qu’il ne m’a même pas entendu. Je soupir agacée et je me dirige vers la fenêtre. Je tire d’un coup les rideaux et le soleil du matin illumine la pièce. « - Il est 11 heures, on devait prendre le petit-déjeuner, débout maintenant Dem ! »

- Demyan & Tessa -
War of hearts

Elle me manque…Elle me manque tellement. Couché dans mon lit, je tente de rester endormi, de ne pas refaire surface dans ma bien triste réalité. Elsa est morte, Kieran est encore absent et moi dans tout ça ? Putain, et moi je fais quoi ? J’ai le cœur ravagé par la peine, je vais me réfugier dans les bras d’un autre que ceux de mon mari. Mon univers s’écroule, il s’effondre comme un jeu de carte sur lequel quelqu’un de sadique viendrait à souffler encore et encore. L’alcool est d’un réconfort certain, voile brumeux qui m’aide à supporter la douleur. Les Clarke ont perdu une sœur, une fille mais moi, moi, j’ai perdu ma moitié, ma jumelle. A cette pensée, ma gorge se serre, mon cœur se tort et je gémis comme un gosse qui souffrirait le martyre. Reviens…Reviens, pitié Elsa, reviens que murmure cette voix silencieuse au creux de ma langue. J’aimerais hurler après cette sœur qui m’a été enlevée bien trop tôt, laissant une petite fille bien trop jeune et orpheline de mère. M’accrochant avec violence à mes draps froissés, les nombreux cadavres de bouteilles d’alcools jonchant sur le sol, je laisse mon crâne manquer d’exploser. Je devais manger avec Tessa, néanmoins, je ne suis pas en état. Ma solitude, mon renfermement, tout ça ne laisse rien présager de bon. Si seulement Kieran était là…les choses seraient bien plus faciles, bien plus supportables. Mon mari me manque et ce, même si mon infidélité semble m’avoir marqué au fer rouge.

On toc à la porte et je grogne, me cachant sous les couvertures alors que la voix de mon aîné résonne comme un son grincheux à travers mes tympans. Je ne veux voire personne bordel, mais non, elle, elle s’écharne encore et encore, cherchant à m’aider. Si seulement elle pouvait lire en moi, comprendre que plus rien ne va. Mon couple bat de l’aile, ma sœur m’a abandonné, je me tape mon collègue pendant que mon mari risque sa vie comme pilote de chasse. Un vrai salopard, sincèrement, là, de suite, je me dégoute royalement. Bien sûr, Tessa ne va pas abandonner, que du contraire. Le verrou de mon appartement résonne et je sais que, dès lors, elle est entrée grâce à la clef de secours. Merde, je n’aurais pas dû lui montrer où celle-ci se trouvait ! Caché sous les couvertures, j’entends ses bruits de pas résonner, les rideaux s’ouvrirent et sa voix venir me vriller les oreilles. Onze heures…Ouai et alors ? J’ai pris congé, enfin, pas vraiment, mais je suis censé être « malade ». Grognant de nouveau, je serre les dents avant de dire d’une voix fatiguée et grincheuse. « Putain, Tess, fermes ces putains de rideaux ! Tu fais chier, j’ai besoin de dormir, j’suis malade…Genre, j’ai la grippe je crois. » Mouai, mensonge pitoyable, je le conçois parfaitement. Que dire de plus ? Que mon infidélité me ronge ? Qu’Elsa me manque ? Que j’ai l’impression de crever à petit feu ? J’ai le cœur en vrac.

Fermant les yeux sous les couvertures, je sors un bras et tâtonne vers le sol pour attraper une bouteille à moitié vide de Tequila. Combattre le mal par le mal, voilà comment je vois les choses…Bon, quand je bois autant, c’est que j’ai véritablement touché le fond et ça, Tessa me connait assez pour le savoir. « Rentre chez toi, tu seras gentille, je vais me reposer…ou me souler, je verrais. » Quoi que, pas sûr que j’aies déjà décuver de la veille…Cachant la bouteille – loin d’être discret – sous mon oreiller pour quand elle partira, je pousse un énième soupire, toujours caché sous les couvertures. Putain, si mon mari rentre maintenant, pas sûr qu’il soit heureux de retrouver l’appartement dans cet état…

- Demyan & Tessa -
War of hearts

C’est difficile pour tout le monde. Cette absence elle est difficile, elle nous met à l’épreuve, elle nous éloigne, nous rapproche. Elsa était un noyau dans la famille, ce n’était pas non plus le ciment, le ciment, c’est nous tous, seulement comment tout bâtiment, si on enlève une brique, tout devient instable. Notre famille c’est exactement cela, il nous manque une pierre fondamentale pour que tout redevienne stable. Seulement, cette pierre, elle ne reviendra pas, il va falloir que l’on s’habitue à être toujours instable, à être toujours bancale. On doit faire plus attention aux autres, on doit tout faire pour être solides, forts, on doit faire plus attention, on doit se protéger. Je me sens investie dans cette mission, personne ne me demande moi, comment je vais, c’est vrai, personne me demande si Elsa me manque, peut-être que c’est une évidence, qu’il ne faut pas demander pour éviter de souffrir, je ne sais pas, il y a plein de peut-être. Jerry est absent, notre sœur semble trop occupée à la librairie et moi je m’enfonce dans le travail. Il me reste Demyan, je tente de l’aider mais en tout cas je me sens inutile, je me sens mal. Alors et moi ? Et moi qui prend soin de moi ? Personne, parce que je ne montre rien, je reste souriante, entreprenante, je continue de vivre, je donne sûrement une image contraire à mes sentiments mais je peux pas m’effondrer. Je ne peux pas, je dois être plus forte. Je dois la plus forte, ce n’est pas facile mais c’est comme ça. Je n’ai pas une minute à moi, mon travail me prend beaucoup de temps, surtout que je vais des permanences pour le planning familial, j’aide des jeunes de quartier à connaître leurs droits, ce qu’ils peuvent faire. Après j’aide toujours les parents à la boutique quand je peux entre midi et deux, il n’est pas rare que je saute des repas, depuis la mort d’Elsa, j’ai perdu du poids, je ne suis déjà pas épaisse… mais personne ne semble remarquer cela. Je n’en suis pas à me faire vomir dans les toilettes, c’était au lycée ça, je ne replongerais sans doute jamais dans ses travers. Je vais mal aussi, je tente de rester forte, je tente d’éviter de trop penser à Elsa, je me contente de profiter de sa fille, elle a un peu la même odeur qu’elle. Je tente de garder le cap et de ne pas oublier qu’il faut vivre, Elsa n’aurait pas voulu nous voir sombrer, elle aurait voulu que nous soyons heureux, elle nous l’a tous dit, continuez à vivre après mon départ, c’est tout ce que je vous demande. Une demande difficilement réalisable mais que l’on doit tenir, tenter au moins. Demyan lui se laisse totalement aller. Totalement. On devait se retrouver ce matin pour un petit-dej et rien, mon frère ne s’est pas pointé. Cela me met en colère, très en colère. Je fais l’effort pour lui, je tente d’être présente et il me pointe, moi aussi j’ai des choses à faire et il aurait au moins pu me prévenir. Alors c’est en colère que je fonce à son domicile.

Je frappe à la porte, rien. Alors je prends la clé sous le paillasson, celle de secours et j’entre. Je lâche mon sac dans l’entrée et je constate qu’à mon avis, monsieur dort encore, à cette heure-là. Je fonce dans sa chambre et pas manqué, il est affalé dans son lit et ne semble même pas m’avoir entendu. Alors je tire d’un coup les rideaux, pas question qu’il ne se lève pas, il a intérêt à se bouger. Bien entendu, je ne reçois pas un accueil très chaleureux. Malade ? Et bien dîtes-moi, sur Brighton il doit y avoir une épidémie de fausse grippe ou je ne sais quelle maladie, c’est dingue. Je le regarde, les mains sur les hanches, en colère. Je lui tire la couette pour qu’il se retrouve sans rien. Je le vois en plus avec une bouteille d’alcool fort, alors là c’est le comble. Il a la gueule de bois ! Enfoiré ! « - Grippe mon cul ! La téquila c’est pour la faire passer plus vite ? C’est une blague Dem’ ? C’est quoi ton problème ? Bouge ton cul ! La mort d’Elsa a bon dos, tu crois qu’elle réagirait comment si elle te voyait comme ça ? DEMYAN CLARKE LEVE TOI ! » Je me sors furieuse de la chambre, je vais dans sa cuisine, je prends un grand verre d’eau bien froid et je reviens. C’est légèrement sadique mais tant pis. Je reviens dans sa chambre. Je lève le verre au-dessus de lui et je lui fais tomber l’eau froide. « - Lève-toi ! » Plus de couverture, je peux aussi ouvrir la fenêtre, le vent glacial risque de ne pas lui plaire. Il se lèvera peut-être. « - Et laisse cette bouteille d’alcool ! » Je lui enlève des mains ! Je vais d’ailleurs immédiatement la vider dans les toilettes et je peux faire ça avec tout l’alcool qu’il y a dans son appartement. Cela rendrait malade maman de le voir dans cet état…

- Demyan & Tessa -
War of hearts

Elle ne comprend pas, personne peut comprendre ce qui se passe actuellement en moi. Je me sens véritablement seul, peut-être abandonné aussi et ce, malgré la présence de mes proches. Mes parents s’inquiètent, ma sœur aussi, mais au final, j’ai l’impression que personne n’est réellement là. Ils ne savent pas ce que je ressens, ce que j’éprouve. Mon mari risque sa putain de vie dans les cieux, cherchant une bouffée d’adrénaline alors que moi, je suis en train de crever sur place. Il est où ? Quand rentre-t-il ? Nous sommes ensemble depuis cinq ans, mais je pensais qu’en nous mariant, il allait au moins ralentir sur les absences. Foutaise. Je savais dans quoi je mettais les pieds, Kieran est pilote de chasse, ce n’était un secret pour personne…Mais je lui en veux de ne pas être là, d’être ailleurs alors que j’ai le cœur en miette. Je lui ai dit de continuer à bosser, mais égoïstement, j’aurais aimé qu’il refuse, qu’il reste et qu’il me soutienne. Si il l’avait fait, peut-être que je n’en serais pas là, mais ce qui est fait est fait. Puis il y a Tessa qui est constamment sur mon dos. Grande-sœur protectrice, elle ne me lâche pas les baskets. Je l’aime, mais son amour m’étouffe, ce qui est contradictoire. Je m’en veux…Ouai, je m’en veux qu’elle doive ainsi se sentir responsable de moi. Putain, j’ai vingt-six ans et pourtant, je suis déjà fatigué de cette vie de merde. Ouai, je pense que je suis tombé en dépression.

J’ai envie d’hurler, je suffoque, mais je ne le montre pas spécialement. Je me referme sur moi-même et elle, il faut qu’elle rapplique comme une fleur en hurlant et en ouvrant mes rideaux. Putain, là, je la tuerais bien sur place. Grognant, grincheux, je l’envoie balader comme il se doit, n’étant pas d’humeur. Remettant la couverture sur ma tête, je tente de cacher ma bouteille de Tequila sous mon oreiller…enfin, j’essaye, vu que mon aînée vient tirer sur ma couverture histoire de m’obliger à bouger. « Ta gueule Tessa ! » Cette fois, je me montre agressif, comme à chaque fois que la mort de ma sœur est mise sur le tapis. Tournant la tête vers elle, je lui lance un regard digne d’un assassin. Plus je sombre, plus je deviens froid et méchant, ce qui ne me ressemble pas, tellement pas. Ma sœur était mon sourire, elle était mon rayon de soleil. Me recouchant, ignorant la couverture, je l’entends dégager de ma chambre…enfin, pas pour bien longtemps vu qu’elle revient et me vide un verre d’eau sur la gueule. Je sursaute, me redressant brusquement. Elle m’arrache ma bouteille, ouvre les fenêtres et là, je rentre dans une colère noire. « JE SUIS CHEZ MOI PUTAIN ! » Ouai, je suis chez moi, je veux qu’on me foute la paix, je veux juste cuver tranquillement en pestant contre la vie, contre Kieran qui est trop absent, contre la vie qui m’a arraché ma sœur. J’en veux au monde entier.

« TU FAIS CHIER ! Je suis chez moi, je fais ce que je veux t’as compris ! D’où tu te la joues chef avec moi, on est pas mariés…d’ailleurs, même mon mari est sa gueule ailleurs, c’est pour dire ! » Dis-je froidement alors que je sors du lit, frappant dans ma lampe pour que celle-ci vienne s’écraser sur le sol rageusement. Sortant de ma chambre en pestant, je file dans la cuisine pour sortir une bouteille d’eau, la gueule trempée, histoire de faire passer mon mal de crâne. Je déteste quand on me réveille de cette façon. « Dégage de chez moi maintenant, t’as rien à foutre ici Tessa ! » A vrai dire, lorsque je suis ainsi, c’est que je tente de me protéger et de les protéger eux de mes propres sentiments, de mes propres émotions. Automatisme évident, j’ai toujours fonctionné de la sorte, encore plus lorsque j’ai une gueule de bois incroyable. Avalant mon cachet d’aspirine, je choppe mon paquet de cigarette sur la table de salon, m’allumant l’une de celle-ci. J’avais longtemps cessé de fumer, sauf qu’à la mort d’Elsa, j’avais replongé. Kieran ne sait pas que je fume dans l’appartement, fumant à l’extérieur en général. Passant une main dans mes cheveux, je choppe un t-shirt qui traîne sur le canapé et l’enfile, histoire de ne pas rester à moitié nu devant ma sœur.

- Demyan & Tessa -
War of hearts

La douleur est bien là. Ses mots piquent, ses mots me poignardent. Suis-je vraiment une sœur aussi affreuse ? Il remet tout ce que je fais en question, tous mes actes. Je connais la peine qu’il peut avoir, j’ai perdu une sœur moi aussi mais il ne semble même pas se rendre compte qu’Elsa n’était pas sa jumelle, dans mon cas elle était ma petite sœur, elle était aussi ma meilleure amie et elle est partie. Comment je suis censée vivre alors que j’ai un frère qui me rejette et une sœur disparue ? Comment on arrive à sourire dans ces moments-là ? Je me sens mal, je me sens très mal et cette situation débute parce que Demyan ne s’est pas pointé à notre rendez-vous.

Je me suis mise en tête de le secouer, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et à ce stade-là, je crois que ce n’est plus une vase mais une piscine et que cela va déclencher littéralement une inondation. Je me pointe chez lui furieuse, ce n’est pas le moment de m’énerver, Demyan ne pense qu’à lui, il ne se préoccupe pas de ma vie, enfaîte il n’y a que ces petits soucis qui semblent l’enterrer et nous ? Nous sa famille, comment il peut penser qu’il est celui qui a le plus perdu dans cette histoire ? Nos parents ont perdu une fille, ses frères et sœurs ont perdu eux aussi un morceau d’un, une part de chacun de nous est partie avec Elsa, elle en emmenait beaucoup de chose avec elle, sa maladie a fragilisé le parfait équilibre de notre famille. On ne se remet pas facilement d’une telle perte, il faut du temps, on doit cicatriser et encore cette cicatrise, elle fera toujours et encore mal lorsqu’on la regardera, lorsqu’on passe un doigt dessus. Demyan réagit mal, Elsa n’aurait jamais voulu qu’il s’autodétruise.

Je rentre chez lui de façon un peu brutale. Peu importe. Je suis sûre de moi sur le moment, je pense qu’il faut le réveiller, qu’il faut qu’il se lève et qu’il m’explique cette situation. Il a encore pris une cuite et ce n’est pas normal. Je force un peu la chose et cela ne semble pas lui plaire, peut-être une question de fierté, qui aurait envie d’être dérangé dans une telle situation. Je suppose que je n’aimerais pas qu’il fasse la même chose. Je ne sais pas à vrai dire, Jerry m’a provoqué de cette façon, quand j’étais anorexique, quand le stress m’envahissait, quand j’étais persuadée de ne pas être une belle personne, parfois j’en doute encore, Demyan réveille chez moi des vieux démons. Je force le réveil, la couette qui valse, les rideaux qui s’ouvrent pour plonger la chambre dans la luminosité. Je l’arrose même d’eau froide, je vide la bouteille de téquila qu’elle a au bord du lit. Je passe peut-être mes nerfs sur lui, je suis nerveuse à l’idée de le perdre lui aussi et une autre situation complexe n’arrange rien à mon état de fatigue et de nervosité. Comme si j’avais besoin d’être en couverture de la presse à scandale. Je rage encore. La réaction de Demyan ne se fait pas attendre. Je savais que c’était risqué mais je n’imaginais pas qu’il rentrerait dans une telle colère. On en parle du fait qu’il m’a totalement planté ? Cette situation est totalement retournée, maintenant c’est moi la méchante sœur, l’horrible monstre qui brise la léthargie de son gentil frère, le monde à l’envers. Il crie, il me demande de partir, la violence de ses mots me brise un peu plus, il ne le voit sans doute pas, j’ai toujours su cacher ma peine et mes blessures. Pourtant, je sens les émotions monter, les larmes monter et je n’ai pas l’intention de pleurer, je ne lui donnerais pas cette satisfaction. Je reprends mon manteau posé sur le dossier du canapé, mon sac aussi. Je me tourne vers Demyan. « - Tu n’es pas le seul à être malheureux, tu n’es pas le seul à être triste, brisé. Tu n’es qu’un égoïste, c’est terminé, ne compte plus sur moi pour t’aider » J’enfile ma veste, je place mon sac sur mon sac, tout cela dans la précipitation. Je sens que je pleure, que finalement je n’ai pas réussi à tout garder. Cela me rend malade de le voir se détruire et cela me détruit de voir que finalement mon frère se fiche totalement de moi. Il sème alors le doute, ce doute qui va tout ronger, je suis sûrement une horrible personne pour ne pas réussir à maintenant ma famille à la surface. On se noie doucement. Je me noie, littéralement et personne ne fait attention à ma disparition. Alors je lance un regard blessé à Demyan et je lui tourne le dos comme il est en train de le faire avec moi.

- Demyan & Tessa -
War of hearts

La douleur est intense, la douleur est violente. J’en veux au monde entier pour ce que je ressens, ma sœur y compris. Je sais que je suis cruel dans mes actes, dans mes gestes mais elle ne sait pas à quel point je suis paumé. J’aimerais tellement revenir en arrière, lorsque nos vies étaient plus simples, plus joyeuses. J’aimerais tellement retrouver ma sœur, rire devant ses conneries, entendre le tintement de ses éclats de rire. J’aimerais retrouver l’homme que j’aime, lorsque son job ne passait pas avant notre vie de couple…Ouai, j’aimerais juste remonter le temps, retrouver l’époque où je semblais plus heureux, moins malmené par mes émotions. Mais ça, Tessa ne peut le savoir, elle ne peut deviner que je suis en train de chavirer dans un océan de doute. Devrais-je lui en parler au lieu d’hurler ? Au lieu de la rejeter ? Je fini par me lever, trempé par l’eau qui a atterri sur ma tronche. Réveil brutal qui ne fait qu’attiser ma colère. Elle s’y prend mal, je ne fais pas d’efforts, nous allons droit dans un mur. Alors ouai, j’hurle qu’elle doit se barrer, qu’elle doit me laisser seul dans cette solitude que je m’impose. Lorsqu’elle me parle je sens ma gorge se serrer, mon visage se baisse légèrement, mon corps se fait plus lourd. Oui, je suis un égoïste, sur tous les plans. Je trompe mon mari, je gueule sur ma sœur, je me réfugie dans la haine et l’alcool…Je ne suis qu’un foutu lâche.

« Je trompe Kieran. » Dis-je assez fort pour qu’elle m’entende alors que je l’entends déjà s’en aller. Pourquoi lui avoue cette vérité que je m’entête à cacher, à taire. Mes muscles se crispent, je sens les larmes monter également prêtes à se déverser sur mes joues rouges de honte ou de colère, je n’en sais rien. Je ne parviens pas à lui faire face, je me tiens toujours là, dos à ma sœur, les mains appuyées sur le plan de travail. « Avec un de mes collègues…Je ne suis pas en colère contre toi Tessa…c’est contre moi, contre ce que je fais, contre ce que je suis devenu…Il…Kieran est jamais là, je passe après son job depuis plus d’un an…Je pensais qu’il allait lever le pied tu sais, après notre mariage mais…ça n’a fait qu’empirer avec le temps… » Dis-je à demi-mot, un soupire s’échappant de mes lèvres alors que mon cœur se serre, que les larmes se mettent à couler le long de mes joues. Je sais que c’est mal ce que je fais à mon mari, pourtant, je n’arrive pas à m’arrêter. La dernière fois que j’avais vu Warren, j’avais de nouveau succombé au travail, finissant par coucher avec lui près d’une foutue machine à café ! Bordel, je devais pourtant mettre fin à cette folie, mais j’avais succombé bien trop rapidement à son regard, ses caresses, ses baisers… Je suis en manque de cette affection que mon mari ne m’offre qu’une fois à la maison, donc, très rarement. Partant des jours, des semaines pratiquement des mois entiers, je me retrouve isolé.

« Je me dégoute et pourtant…j’arrive pas à m’arrêter…Warren est là alors que Kieran…Je sais plus quoi faire Tessa… » Murmurais alors que je finis par aller me poser sur une chaise, la tête entre mes mains, cachant les larmes qui coulent sans pouvoir se stopper le long de mes joues. Je n’arrive plus à garder la tête hors de l’eau, je bois la tasse, je me noie dans mes multiples conneries, dans mes erreurs et plus je me noie, plus je deviens agressif…La mort de ma jumelle n’ayant absolument rien arrangé, n’ayant justement que déclenché ma descende aux Enfers. Avant, elle était là…Ouai, avant je pouvais compter sur ses sourires, sur ses paroles réconfortantes. Mais maintenant ?