Thalia réajusta les lunettes à teinte bleutée sur son nez, face son écran d’ordinateur, fronçant les sourcils en regardant un tableau rempli de chiffres. Les comptes de la boutique, cet instant maudit qu’elle repoussait toujours au lendemain. La jeune femme haïssait faire les comptes, plus passionnée par l’entretien des fleurs et le contact humain que par la qualité de son business. En bonne femme d’entreprise, elle devait aussi savoir manier les chiffres que les orchidées… Son thé dans une main, son ordinateur devant elle, elle soupira se jurant d’engager un jeune diplômé en mathématiques dès que possible. Les passages se faisait calme aujourd’hui, et son associée était surement dans le quartier se baladant, profitant de l’air frais de la ville. Elle ferma son ordinateur dans un soupir de résignation, elle remettrai au lendemain cette tâche désagréable. Le bouquet qu’elle venait de confectionner pour le mettre en vitrine, ouvrit la porte et tomba sur une visage bien trop familier.
Trois ans presque sans aucune nouvelle. Il était  là, un fantôme de son passé. Un souvenir qu’elle avait enfoui trop profondément. Joshua et pas Jude. Joshua, en chair et en os. Joshua et non une illusion de son imagination. Elle savait différencier jumeaux en une fraction de seconde, si ressemblant et pourtant si différent. Un même visage et des regards différents. Des années à côtoyer celui de Joshua pour reconnaitre chaque micro-expression qu’il s’y cacher. « Joshua.. » un murmure, sa voix brisé. En apnée depuis trop longtemps, la noyade fut inévitable, la douleur remplissait ses poumons. Plusieurs mois après son départ Thalia se sentait défaillir à chaque bruit, chaque craquement de sa vie à Brighton lui rappelait de plein fouet tous les moments passés ici. À deux et heureux. Aujourd’hui plusieurs années après son retour, elle aurait cru avoir fait le deuil. Commencer une vie meilleure plus saine, mais aussi plus vide de son amour, de leur feu intérieur et destructeur. Thalia pensait être guérie. En le voyant elle se rendit compte qu’on ne pouvait pas réparer une fracture avec un pansement. Peu importe tout le temps passé entre leur dernière étreinte et aujourd’hui.  « Désolé, je voulais appeler avant de venir. Puis ... Je suis venu … »  Elle hocha la tête, surprise et prise au dépourvu. Un automatisme, réflexe de son corps face à la surprise. Son pot de fleur à la main, si elle n’avait pas été tétanisée, elle l’aurait laissé tomber. Comme dans un mauvais soap hispanique.
Les questions s’accumulaient, créant en elle une bataille intérieure en son envie de lui sauter dans les bras et l’autre de lui jeter les dites fleurs au visage. Sa rancoeur refaisait-elle surface ? Une partie d’elle lui en voulait, autant qu’à elle même, de cet éloignement d’avoir tout gâché au nom des guerres et des souvenirs volés. « Que fais-tu ici ? Tu es revenu ? » demanda-elle, le ton interrogateur. Jude ne l’avait jamais mentionné sur pour dire qu’il était en bonne santé, rien de plus. Et Thalia ne voulait pas en savoir plus. Tous les deux encore dans l’embrasure de la porte de la boutique. La jeune femme fit un pas en arrière, s’écartant. « Je ne m’attendais pas à te voir.. Entre donc… » dit-elle ouvrant la voix. Que faire maintenant ? Tellement de choses à lui dire mais par où commencer. Le regardant se mouvoir parmi ses fleurs, Thalia savait déjà que le feu de ses sentiments ne s’était jamais éteint.