Quelques dizaines de minutes de travail, une heure tout au plus. Le ventre arrondi décoré de morceaux d'un bébé en plastique. Du jouet, il ne reste plus que les membres qui dépassent de ta robe ensanglantée. Comme si le mouflard s'échappait enfin de ton corps, par la mauvaise sortie. Un effet cheap, mais tu t'en moques royalement.
La cigarette entre les lèvres, ton portable dans les mains. Tu sais pas vraiment pourquoi t’es venue jusqu’ici, Marlene. Tu sais pas pourquoi tu t’obstines à participer à ce genre d’évènement. Prends le risque de tomber sur ce passé que tu veux tellement éviter. Ta famille. Tes anciens potes. N’importe qui. T’inspires longuement sur ta clope, tes doigts pianotant frénétiquement sur ton écran pour appeler un Uber. Un juron qui passe tes lèvres, le réseau qui fait des siennes. La main tenant l’appareil en l’air, tu déambules sur place à la recherche de la moindre barre. L’herbe craque sous tes pieds, tu t’enfonces dans le labyrinthe sans vraiment t’en rendre compte.
Cette soirée d'halloween, ce n'est qu'un terrain connu. Une sortie traditionnelle de ton adolescence dans cette ville maudite. Tu t'revois terroriser les gosses avec tes potes. Te planquer dans les champs pour effrayer les courageux affrontant le dédale. L'odeur des récoltes encore familière dans tes narines. Tu te souviens des mains d'Ean sur ta peau, à l'abri des regards dans un recoin de la maison abandonnée. Tu te souviens, et ton cœur se serre dans une douleur lancinante. Tu grognes, Marlene. Tu vires toutes ces pensées de ton crâne. Les yeux fixés là où les barres de réseaux devraient apparaître. « C'est une blague, putain. », tu dis pour toi-même. Tu relèves la tête, et c'est ton visage qui se décompose quand aux alentours, tu ne remarques que des pieds de maïs. Un juron, encore un autre. [marlene be like]

Ça remonte à loin, l’époque où il se déguisait pour quémander une poignée de bonbons à ses voisins. Il se souvient des déguisements au rabais – canines aiguisées factices et draps blancs éventrés. Cette fête n’existait pas encore, à l’époque. Il ne s’y est jamais traîné lorsqu’elle a débuté. Déjà loin et déjà trop tard, en plus d’être trop cheap pour lui.
Pourtant, il est là. Et ça hurle déjà, à l’étage de la maison hantée. Des cris perçants, des cris d’enfants. Min-ho étouffe une grimace sous le cigare qu’il se coince entre les lèvres. Éteint, une part du déguisement qu’il exhibe. Même si, à l’instant, l’allumer le démange de plus en plus. À la place, il le range dans la poche intérieure de son smoking de velours rougeâtre. Chemise noire, par-dessous. Cravate parfaitement ajustée, cheveux plaqués en arrière en plus d’une moustache qu’il a conservé pour l’occasion. Plus qu’un déguisement, c’est un costume sur-mesure.
Suspendue à son bras, sa compagne de la soirée – Clara. Une inconnue, dans son monde. Une jeune femme qu’il apprécie, sans ambiguïté. Une jeune femme banale d’ordinaire mais ce soir, la perfection incarnée. Une exigence, plus qu’une requête – Min-ho a acheté sa tenue lui-même. Hors de question qu’elle soit vue à ses côtés dans une robe au rabais. Il n’a pas hésité non plus à quémander à une maquilleuse des plateaux de tournage de parfaire son rouge à lèvres et son vernis. Parfaite, jusqu’au bout des ongles. Il n'en demande pas moins. Et il sur-joue, Min-ho. Ses doigts s’enroulent autour des siens pour amener le dos de sa main jusqu’à ses lèvres. « Toujours aussi ensorcelante, cara mia. » C’est le cliquetis des appareils photos des paparazzis qui l’obligent à se redresser. Invisibles aux yeux de la foule mais depuis le temps, Min-ho a appris à les reconnaître d’un coup d’œil.
Il enroule son bras autour de la taille de Clara. « Allons à l'intérieur. » Souffle-t-il. Mais Min-ho l'entraîne déjà jusqu'au bar, au rez-de-chaussée de la maison hantée.

@Clara Andersen

spoiler:

Une soirée Halloween. Il s'est d'abord dit qu'il avait passé l'âge, Teddy. De se déguiser et de s'incruster dans ce genre de soirée. Pourtant, il est là, ce soir. Sa tenue éclaboussée de sang est calquée sur celle d'Owen de Jurassic World, un fusil en bandoulière et une grosse peluche de t-rex sous le bras. Il se perd dans le bruit et les éclairages improbables. Cherche un visage familier, parmi tous ces faciès étrangers. Grimés, maquillés, couverts. Il se fait la réflexion qu'il aurait été aussi bien dans son sofa, devant un slasher des années quatre-vingt, puis il se dit qu'il n'aurait pas pu regarder son film tranquillement, avec quelques ribambelles de gamins pour venir sonner à sa porte. Des gosses. Clara. Toujours un peu dans ses pensées, même quand il cherche à se distraire. Elle est toujours là, par association d'idée, ou juste parce qu'il a vu quelque chose qui lui y a fait penser. Malédiction. Troisième verre de la soirée, d'un punch qui ne fait pas grand effet. Il déambule, Teddy, sans pour autant aller à l'étage. Il préfère rester au rez-de-chaussée, à la recherche d'une âme charitable à alpaguer, ou d'une proposition pour un jeu alcoolisé. Ses pas dévient enfin du comptoir et son regard s'arrête sur une vague de nouveaux arrivants, et plus particulièrement un couple aux allures lugubres. Les doigts de fée d'une maquilleuse n'ont pas suffi à masquer ses traits familiers à elle et un demi-sourire traverse les lèvres de Teddy. Une fraction de seconde avant que son monde ne s'écroule à nouveau, quand ses prunelles accrochent le type qui se tient à ses côtés – à sa place. Un rire amer remonte le long de sa gorge, il se pince les lèvres et tente d'oublier la jalousie qui le ronge de l'intérieur. Il pivote sur ses pieds pour ne plus les voir et se tourne vers elle/lui, cet/te inconnu/e non loin du bar. « Sympa le costume. » Orienter ses pensées sur autre chose, se perdre dans d'autres yeux que les siens. « Je peux t'offrir un verre ? » Qu'il ajoute, retrouvant un doux sourire.

@libre

Comment est-ce qu'elle en est arrivée là ? Elle ne s'en souvient pas vraiment. Une poupée de cire à peine animée. La jeune femme pensait d'abord à une simple distraction. Rejoindre les théories de la socialisation, bénéfiques à l'être humain, soit disant. De plus, la jeune femme a toujours adoré Halloween. Est-ce qu'elle tenait vraiment à rater ça ? Cette année pourtant, elle est bien loin des costumes en hommage aux personnages historiques qu'elle admire. Pour cause, elle n'a pas eu son mot à dire. Mais peut-être que le destin fait bien les choses. Son déguisement représente, ironiquement, sa personnalité à la perfection. Le sarcasme comme couverture. Elle n'a pas pour habitude qu'on prenne des initiatives à sa place et n'est pas certaine d'aimer ça. Non, en réalité elle sait, elle déteste ça. Comme la maquilleuse qui dessinait ses traits au pinceau quelques minutes plus tôt. Elle regrette sa décision. Mais ses propres états d'âme se perdent dans le sombre personnage qu'elle incarne. Si bien que personne ne semble remarquer. Clara est prise au piège dans un tissu noir qui épouse les moindres parcelles de son corps. Jusqu'à la rendre mal à l'aise. Ses mains étirent les manches longues jusqu'à ses extrémités et ces mêmes bras effectuent des allers-retours devant son abdomen, comme pour dissimuler un plus lourd secret. Une ombre parmi la foule, Andersen. Des sourires faux et creux. Elle se laisse guider par son partenaire de soirée, beaucoup plus enjoué qu'elle. Beaucoup plus habitué à l'attention également. Tandis que la jeune femme, elle, fuit les regards, étire la condescendance au possible. Clara n'est pas très bavarde non plus. Encore moins quand il enroule son bras autour de sa taille. Elle frissonne et ils se dirigent vers le bar. Où elle aimerait s'enfiler plusieurs verres. Impossible. Autour d'elle, personne ne semble se gêner pourtant. That's right, drink for two. Clara prend les devants et commande un cocktail sans alcool au nom plus qu'adéquate. Cyanure. Faute d'être en phase avec elle-même, Clara est bien décidé à ne faire qu'une avec Morticia ce soir. Le verre en main, elle ajoute « To eternal torture, darling. » comme toast.

@Min-ho Mun