- 17 janvier 2003 ; the lion & lobster ; brighton west side -

Un coup d’oeil rapide à ma montre. L’heure pile. Je suis tout juste et traverse le trottoir en direction du Quelle étrange idée que de se retrouver dans un bar alors que Bess est enceinte. La pauvre. Je me demande comment elle tient depuis sept mois sans engloutir une goutte d’alcool. Surtout après cette période de fêtes où le vin chaud a notamment réchauffé bien des coeurs. J’arrive, un sourire jusqu’aux oreilles, vers le couple que forment mon frère et ma meilleure amie. Je m’avance vers elle en premier pour la serrer dans mes bras. « Oh ma belle, tu es rayonnante. » Oui, je sais, je le lui dit à chaque fois que je la vois. Mais ça lui va tellement bien d’être enceinte. Petit pincement au coeur pour ma part. Quand fonderais-je ma propre famille ? Je n’en sais rien. Pas demain en tout cas. Mais à présent, l’heure est aux réjouissances de l’agrandissement à venir de la famille de mon frère, et des Banks par la même occasion. « Bonjour à toi aussi, mais tu es moins beau qu’elle… » lançais-je à Harry, le tout accompagné d’un sourire pour faire passer la pilule. C’est pas ma faute si j’ai hérité de tous les bons gènes chez les Banks. Ce n’est qu’en faisant le tour de la table pour prendre place sur mon tabouret que je prête attention à la présence d’une autre personne, inconnue au bataillon. Toujours enjouée, je me présente à lui en lui faisant la bise. On ne va pas faire de manières, nous sommes là pour passer un bon moment, n’est-ce pas ? « Salut, moi c’est Jules, la soeur d’Harry. » Je lui souris également et m’assieds à côté de lui tout en me débarrassant de mon écharpe et de mon bonnet. Une fois bien installée, je m’empresse un peu. « Alors, qu’est-ce qu’on boit ? » demandais-je, prête à payer la première tournée. Et aussi, qu’est-ce qu’on grignote pour accompagner tout ça ?

Bess lui avait gentiment demander de donner un coup de main à Harry durant l’après-midi, afin que cette soirée soit parfaite. Vu son état, Nash refusait même qu’elle touche à quoique ce soit, de peur qu’elle se blesse, elle ou le précieux enfant qu’elle portait. Son conjoint n’allait surtout se plaindre d’avoir enfin quelqu’un de son côté, à ce sujet. The Lion & Lobster étaient pratiquement vide, en dehors des quelques invités arrivés sur place bien avant l’heure et du staff du bar. Et alors qu’ils terminaient enfin de mettre la main à la patte, un flot de visages connus et inconnus firent leur apparition dans la salle qui leur était réservé pour la soirée. Les familles des deux futurs parents, parents et amis se réunissait ce soir pour célébrer l’arrivée imminente de ce petit trésor, et Nash était très content d’être du lot, bien qu’il ignorait l’identité de la majorité des gens présents. Les parents de Bess le saluèrent au passage, et il leur fit un bonjour d’un signe de la main, se promettant d’aller discuter avec eux, plus tard ce soir-là. Après tout, il avait, à une époque désormais révolu, était ses beaux-parents, et même si plusieurs années s’étaient écoulés depuis, il avait encore beaucoup d’affection pour eux, à l’instar de celle qu’il avait pour leur fille. L’heureux couple prenait soigneusement le temps d’accueillir un à un les nouveaux arrivants, et le blond d’installa à un bout de la table encore vacant. Une jeune femme, ayant des très fortement similaire à ceux d’Harry, s’approcha de lui pour lui faire la bise, se présentant au passage. Ainsi donc, il s’agissait de la sœur du futur père. – Enchanté Jules. Je suis Nash, Nash Kershaw, un ami d’enfance de Bess. – Il omit de mentionner qu’il avait aussi été son petit ami et premier amour, après tout, ce n’était ni le moment, ni l’endroit pour ce genre de révélation. Pour le peu que cela pouvait lui apporter, mieux valait taire cette information qui n’avait plus tant d’importances désormais. – Je prendrais bien une bière, personnellement. – Il serait sage, ce soir. Quelques verres en début de soirées, et ensuite, il se contenterait de l’eau. Daisy s’attendait à ce qu’il soit là pour la récupérer à la fin de sa soirée, et il comptait bien s’en tenir à sa promesse.

Nous voilà tous réunis pour faire la fête et célébrer la venue du petit garçon. Le deuxième de mon cher frère, et je sais qu’il en est fier. J’ai un pincement au coeur pour Mira et sa femme qui sont également présents et qui eux, de leur côté, essuient les échecs, tentative après tentative, fausse couche après fausse couche. Je leur envoie un regard amical, ils se trouvent de l’autre côté de la table, à trois places de moi. Un instant, je soupçonne Bess d’avoir fait exprès de m’avoir laissé cette place de libre, aux cotés de ce charmant jeune homme que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. Si elle espère que la magie opère entre nous pour enfin que je sois casée, elle m’entendra pendant des mois. Ce qu’elle ne le sait pas, c’est que je le suis depuis quelques mois, mais je le leur en parlerai plus tard. Il est resté à Oxford pour le week-end tendis que j’ai fait la route. Il me manque déjà. « Kernshaw, ce nom me dit quelque chose. » Je ne saurais replacer le contexte, mais j’ai déjà entendu ce nom quelque part. Je suis loin de me douter qu’il s’agit de l’époque où j’étais adolescente et que ma meilleure amie me contait ses histoires passées. Je prends la commande des personnes qui n’ont pas encore été servies et passe mon bout de papier au serveur qui passe par là. « Tu les connais bien, nos tourtereaux ? » demandais-je à mon voisin histoire de lui faire la conversation et que nous restions pas seuls dans nos coins. Ils me font fondre, les deux là. Ils ont l’air de s’aimer comme au premier jour. Ils fond chaud au coeur. Je jette un coup d’oeil à la pile de cadeaux qui s’étend sur une table contre le mur. Malin de leur part d’avoir décidé de faire une petite fête pré-natale, ça fait des cadeaux en double. « Qu’est-ce que tu leur as ramené ? » lui demandais-je, curieuse. Pour ma part, j’ai galère. Je passe chez eux de temps à autres et au fur et à mesure que les mois passent, j’ai l’impression qu’ils ont déjà tout ce qui leur faut.

Il accueillit l’arrivée de la nouvelle venue comme un libération, l’excuse parfaite pour le sortir de sa solitude momentanée. Il connaissait si peu de gens, en dehors des futurs parents, que d’être ainsi abordé ne l’avait nullement dérangé. Que ce soit le fruit du hasard ou un plan vicieux de la part de Bess afin de favoriser des rapprochements, Nash ne s’en formalise pas. De toute façon, il discutera avec qui le voudra bien, et pour l’instant, il se trouve que c’est cette prénommée Jules. – C’est fort possible. – qu’il mentionna, sans toutefois en dire davantage. Mais un sourire vint légèrement éclairer son visage, en souvenir de cette autre époque où sa relation avec Bess était toujours d’actualité.  Ils s’étaient aimés, le temps d’un été, et cette relation au prémisse éphémère avait su perdurer plus d’une année. L’arrivée d’Harry, dans la vie de son amie, avait été l’élément déclencheur vers la déchéance de leur couple, qui, même s’ils n’osaient se l’avouer à ce moment-là, battait déjà de l’aile. – Bess, je la connais depuis plusieurs années. Un peu plus de dix-sept ans, si je ne me trompe pas. – Il tentait de se souvenir du moment exact où il l’avait rencontré, mais n’y parvint pas. Surement à une fête étudiante ou dans les corridors du lycée. – J’ai connu Harry par la force des choses. – Il laissa entendre un léger rire. – Il avait une place toute particulière dans le cœur de Bess, et il m’a fait grand plaisir d’apprendre à le connaître. Je l’apprécie, c’est vraiment quelqu’un de bien. – Il ne disait pas ça pour faire une fleur à la sœur de ce dernier. Nash s’entendait parfaitement bien avec le futur père, une relation qui aurait très bien pu commencer sur de mauvaises bases, vu son historique avec sa femme. Heureusement, il se fit un devoir de faire comprendre au nouveau venu qu’il était le seul à habiter le cœur de sa dulcinée. Il leur jeta d’ailleurs un coup d’œil, et il ne put s’empêcher de trouver que la grossesse allait à merveille à la maman en devenir. Bess irradiait d’un bonheur contagieux, et tout ceux qui était présent avec eux, dans ce bar, en ressentait les bienfaits. – Rien de particulier pour le bébé. – qu’il lui mentionna en haussant les épaules d'un air détaché. – Par contre, j’ai mis un peu d’argent de côté pour leur offrir un week-end de congé, quand ils en ressentiront le besoin. Et nul besoin de payer une baby-sitter : je me suis offert pour prendre soin du bébé. – Aucune date d’expiration sur son cadeau, les parents pouvaient à tout moment l’utiliser, que ce soit deux mois après la naissance de leur enfant, ou un an. – Tu as opté pour quoi, de ton côté? – Au même instant, le serveur revient avec leurs boissons, et le Kershaw attrape son verre, le levant en direction de sa voisine. – Merci, et santé! – La prochaine tournée, il serait sous son bras.

Je connais Bess depuis que j’ai seize ans. Nous nous sommes apprivoisées petit à petit même si franchement, notre rencontre relevait presque du coup de foudre amical. Quand je l’ai présentée à mon frère quelques années plus tôt, je n’aurais jamais pensé de un qu’ils allaient se mettre en couple, de deux que ça allait durer, de trois qu’ils allaient se parier et de quatre qu’ils allaient avoir un enfant. À y regarder de près, ce sont là des évènements qui se sont enchainés bien vite. De la part de Harry, ça ne m’étonne pas. Lui qui a déjà été marié une fois, divorcé tout autant de fois et qui a déjà un enfant de neuf ans, c’est pas son genre de chômer. C’est juste plus étonnant venant de la part de Bess. Cependant, je suis bien placée pour savoir qu’il ne s’agit aucunement de précipitation et que ces deux-là sont juste fous l’un de l’autre. Il y aurait de quoi en être vert de jalousie par moment, mais je les respecte bien trop. Impossible pour moi de me retrouver en proie à ce sentiment vis à vis d’eux. J’espère d’ailleurs encore être témoin de bien belles aventures de leur couple. Un second enfant, les vêtes de Noël en famille, les anniversaires, et tout ce que je n’imagine pas encore. « Enfin quelqu’un auprès de qui Harry a réussi à faire bonne impression ! » me moquais-je gentiment. Tout le monde sait que mon frère n’est pas un tendre avec tout le monde, particulièrement avec moi. S’il ne s’était pas lié à vie avec ma meilleure amie il aurait moins affaire à moi, mais pas de bol. Comme si nous n’étions pas déjà tous deux liés à vie, en épousant Bess, il me passait pour ainsi dire également la bague au doigt. J’écoute Nash me parler de son cadeau, une idée que je trouve ingénieuse. « Toi et moi, on aurait du se rencontrer plus tôt ! J’aurais piqué ton idée ! » Mince, j’espère que mes paroles ne laissent pas passer un message subliminal que je refuse de faire passe. « Pour ma part, j’ai été bien moins originale, il s’agit d’un kit de moulage 3D, histoire d’avoir la main et le pied de bébé en souvenir. » Bon, ok, j’avais trouvé l’idée originale et j’étais toute excitée quand j’étais tombée dessus, mais maintenant que je rivalise avec Kernshaw, c’est de la gnognote. « Santé ! » répondis-je en m’emparant de mon cocktail pour l’entrechoquer avec sa bière. Je remarque que Bess nous observe et sourit bêtement. Là, son comportement devient étrange. Il y a vraiment anguille sous roche ou quoi ?

« Nous aimerions porter un toast. » mon frère s’est levé, de même que Bess. Les discussions se murmurent et se taisent une à une. Ils ont l’attention de toute la tablée.  « Tout d’abord, nous vous remercions pour votre présence et de célébrer avec nous la venue de notre petite crevette. » On dirait un switch préparé, l’un parlant à la suite de l’autre. Ils sont vraiment tout mignons. « Mais nous aimerions adresser un petit mot tout particulier à Jules et Nash. » Awkward. C’est quoi de bordel ? Je lance un regard vers mon voisin qui a l’air tout aussi perdu que moi. Toute l’attention est portée sur nous. Je déteste ça. « Ou plutôt, leur offrir un petit cadeau. Les autres, ne soyez pas jaloux. » Ah, alors on le mérite plus que les autres. En parlant cadeau, ils ont attiré ma curiosité. Mais pourquoi est-ce que c’est à nous de recevoir un cadeau ? Ce n’est aucunement notre fête. Harry fait le tour de la table et pose une boite devant nous. Une boite pour deux ? Je regarde Bess, perplexe. Qu’est-ce que c’est encore cette histoire ?

Parler ainsi du passé ramenait à son esprit une importante quantité de souvenirs qu’il avait cru oublier, enterrer dans son subconscient. Bess et lui avaient vécu de bon moment ensemble, mais leur couple n’avait jamais été fait pour perdurer. Il préférait d’autant plus l’avoir comme amie aujourd’hui, une position dans laquelle les deux se sentaient parfaitement à l’aise, et qui n’avait eu de cesse de les rapprocher. Platoniquement parlant, évidemment. Les débuts avec Harry n’avaient pas été aussi simple qu’il aimait bien le prétendre, mais les années avaient atténué ces rancunes qui avaient meublés leur relation, et un certain lien de confiance s’était façonné, lentement, mais surement. Il remarquait parfois, dans le regard de ce dernier, l’hésitation qui se dessinait, le doute qui substituait. Nash ne pouvait pas faire disparaitre ce qu’il avait vécu avec Bess, et Harry devrait, un jour ou l’autre, se faire à l’idée. De toute façon, la preuve était bel et bien là, ce soir : c’est avec lui qu’elle attendait un bébé, pas Nash. Même s’il se réjouissait presque autant que les futurs parents quant à la venue de leur petit héritier. –  Il n’est pas si pénible… un brin difficile à convaincre, parfois, mais c’est tout. Ne soit pas aussi dur avec lui. – Son ton léger laissant sous-entendre qu’il racontait un peu n’importe quoi, mais ces remarques n’étaient pas bien loin de la réalité. Elle finit par s’enquérir du cadeau qu’il avait acheter pour le bébé à venir, et sa voisine sembla franchement surprise et charmée par l’idée. Sa remarque lui tira d’ailleurs un sourire amusé. – Dans ce cas, il valait mieux que l’on se rencontre aujourd’hui. – Son propre présent risquait aussi de plaire au couple, une belle façon d’immortaliser ses souvenirs qui aurait tôt fait de se dissiper. – L’originalité n’est pas si importante. Du moment que ça leur plait, c’est ça le plus important. – Et ça risquait fort d’être le cas, s’il se fiait à sa connaissance de la maman en devenir. Ils trinquèrent enfin, une fois leur breuvage reçu, et Nash remarqua l’attention particulière que leur accordait soudainement Bess. Projetaient-ils l’image d’un futur couple sur le point de se former à ses yeux? N’est-ce pas un brin déplacer de tenter de caser deux de ses amis le jour même des célébrations pour son futur bébé? Il n’eut pas le temps de se questionner davantage qu’Harry se leva pour prendre la parole, suivit de sa compagne au ventre rebondit. Ils avaient l’attention entière de la part des invités, mais lorsque leur nom fut prononcé, Jules et lui échangèrent un record consterné. À quoi jouaient-t-ils? Il tenta de trouver une réponse dans le regard de son amie, mais cette dernière ne fit que sourire un peu plus. Le futur père vint déposer une boîte entre eux. Pourquoi leur offrait-on un présent? À eux, plus particulièrement. Il tourna son regard vers la jeune femme à ses côtés, tout aussi déconcertée que lui. – On ouvre? – qu’il lui proposa, car avaient-ils seulement le choix? Tout le monde n’attendait que ça. Elle acquiesa, et d'un même geste, ils soulevèrent le couvercle du boitier, sous lequel se cachait ce qui semblait être un petit pyjama de bébé. Et sur ce dernier, on pouvait y lire Will you be my godparents. Son regard se leva subitement vers le couple, pour revenir vers ce minuscule vêtement. Visiblement ému par cette demande, Nash fut incapable de parler.