Elle a besoin de sortir de l'appartement Edda. Ce n'est pas qu'elle s'y sente mal, mais on ne peut pas dire non plus qu'elle s'y sente à sa place. Les relations avec Nathan sont toujours plus ou moins houleuse, ils arrivent à s'échanger quelques mots, quelques phrases, mais bien vite la rancoeur de la jeune femme refait surface, les forçant l'un comme l'autre à se retrancher sur leur position. C'est épuisant. Tellement qu'elle se demande si elle a eu raison, de quitter l'Italie. Là-bas tout semblait bien plus simple. Elle avait sa maison, ses études, ses amis. Ici? Elle n'a pas grand-chose, si ce n'est rien. Une page blanche, où il reste tout à faire. C'est à la fois effrayant et exaltant. Aujourd'hui, cela fait parti des jours où la sensation qui l'emporte sur l'autre, est la peur. Peur d'avoir mal fait, peur de ne pas trouver sa place, peur de... Tellement de chose au final, qu'en faire la liste serait bien trop long. Alors pendant qu'il est sous la douche, elle file, comme une voleuse. Enfin presque. Parce que finalement, à contre-coeur, elle laisse un mot à Nathan, pour le prévenir qu'elle est sortie et qu'elle ne reviendra pas avant la fin de l'après midi. Cela fait un long moment, mais elle en a besoin. Elle a besoin de marcher, de s'aérer l'esprit pour savoir quoi faire, vers quel chemin se tourner. Elle pourrait fermer les yeux, tourner sur elle-même et laisser le destin choisir pour elle, mais elle se dit que cela ne serait pas très sérieux. Elle emprunte le vélo de son frère, qu'il a eu la bonté de mettre à sa disposition, et elle est partie. Elle roule à son rythme, laissant son regard se perdre dans la contemplation de la ville. Elle a l'impression qu'il y a tellement à découvrir. Tout lui semble si différent. Et puis, comme si le naturel revenait au galop, elle se retrouve vers la plage, car déjà, elle entend le bruit de l'eau et c'est un soulagement, presque. Chez elle, se trouver près de l'eau a toujours été un moyen de décompresser. Elle accélère la cadence et rapidement, elle pose pied à terre, attachant la chaîne de son vélo, sans réellement y faire attention. Et sans y réfléchir davantage, elle se dirige sur la plage, où ses yeux ont le bonheur de se perdre dans l'horizon. Cela fait un bien fou. Et elle reste là, pendant plusieurs minutes, debout, les pieds dans le sable à regarder le ciel, sans penser à rien. Sans bouger. Elle profite, tout simplement. Souhaitant ensuite s'asseoir, elle esquisse quelques pas en arrière, pour se poser, un peu plus loin. Elle n'est pas du genre à faire attention aux gens qui l'entourent, en règle générale et pourtant, là, ses yeux se posent sur la silhouette d'une femme, dont le visage lui est familier. Oh mon dieu. Il ne faut que quelques secondes à la jeune femme pour la reconnaître. Il s'agit de Blanche Theriot, une pianiste de talent, dont Edda ne manque jamais une représentation, que ce soit en réel ou en virtuel. Et là, elle est là, juste devant elle. Elle hésite un instant entre faire comme si de rien était, ou aller à sa rencontre, tout simplement. Et puis elle se dit que finalement, elle n'a rien à perdre et discrètement, elle se rapproche. « Excusez-moi, vous êtes Blanche Theriot ? » qu'elle lui dit, comme pour introduire à la discussion. Elle est sûre, à 99 pourcents en tout cas, que c'est elle, mais dans le doute, c'est toujours la meilleure façon de démarrer une conversation. « Si vous saviez à quel point j'admire ce que vous faites.. » qu'elle termine de dire. Elle a conscience, qu'à cet instant, elle est peut-être ridicule, mais elle s'en moque pas mal.