C’était à peine croyable, et en même temps tellement naturel. Côme et lui, de nouveau ensemble. Il ne l’aurait jamais pensé possible, encore quelques semaines auparavant, mais il en avait envie. Il avait envie de la retrouver, de recoller les morceaux. Il se rendait compte de la chance qu’il avait eu, celle de pouvoir partager un bout de sa vie avec elle. Même si elle lui faisait péter les plombs, même s’il n’était pas suffisamment attentionné envers elle, il se savait chanceux. Chanceux qu’une fille comme elle s’intéresse à un gars comme lui. Ce qui à la base ne devait être qu’un flirt de lycéens avait finalement pris une autre tournure, une ampleur différente. Beaucoup plus importante. « Moi je t'ai vraiment détesté quelques fois » Ryan rit, baissant un peu la tête. Ce n’était pas une surprise, elle ne l’avait pas ménagé ces derniers mois. Toujours une remarque piquante à lui lancer, quand ce n’était pas directement une insulte. « J’avais cru comprendre, oui » Il ne lui en tiendrait pas rigueur. Elle lui avait bien fait comprendre qu’il n’avait pas été exemplaire non plus, de son côté. Il n’était pas vraiment un modèle de vertu. « Ca vaut le coup d'essayer, on a déjà réussi à passer une soirée ensemble sans se frapper, si on arrive à faire ça, on peut tout faire » Il sourit, alors qu’elle glissait sa main dans la sienne. Ca valait le coup d’essayer. Il n’était pas certain que ça fonctionnerait, qu’ils ne retomberaient pas dans leurs travers au bout de quelques jours, mais leur histoire valait la peine d’être poursuivie. « C’est vrai » C’était un exploit, mais qu’en adviendrait-il sur le long terme ? Et si cette soirée n’était réellement qu’une parenthèse, un semblant de calme retrouvé avant la tempête ? Tant pis. Il n’avait pas envie de se poser trop de questions, ce n’était pas important pour l’instant. « En tout cas je te promets que je serais pas aussi casse couille qu'avant, c'est déjà ça » Ils étaient déjà prêts à se lancer à corps perdus dans cette nouvelle page de leur histoire, comme s’ils ne s’étaient jamais quittés, juste une petite dispute et maintenant la réconciliation. Elle en était sûre, il fallait qu’ils tentent, qu’ils se laissent une autre chance. C’était déjà reparti, la question ne posait même plus. Ils se comportaient de nouveau comme deux amoureux transis, comme au tout début, trois ans en arrière. « Je ferai des efforts aussi, promis » Il prononça, à voix basse, après un nouveau baiser. Au fond, rien n’avait changé, en apparences. Une réconciliation pleine de belles promesses, des regards amoureux. Le tout était de s’y tenir. «  Je t'aime Ryan, je t'ai toujours aimé, et je n'ai jamais réussi à en vouloir longtemps à quelqu'un que j'aime. » Trois mots, ces trois mots qu’il avait toujours eu tant de mal à prononcer. Des mots qui ne lui avaient jamais été destinés avant Côme. Il ne se lassait pas de l’entendre les lui dire, mais ne les lui rendait que rarement. « Moi aussi » C’était sans doute de l’amour, en tout cas ça y est ressemblait. Il reprit son verre et trinqua avec elle, yeux dans les yeux, le sourire aux lèvres. Ils trinquaient pour eux, leur nouveau départ, leurs retrouvailles. « Je crois que Meg Ryan est jalouse, elle arrête pas de regarder par ici, je suis triste pour elle »  Les regards désapprobateurs, il allait falloir s’y habituer. Cette fille ne serait sans doute pas la seule à ne pas apprécier la résurrection de leur couple. « Tu penses qu’elle s’en remettra ? » demanda-t-il en riant, avant de regoûter à sa bière. Ce soir, il n’en avait rien à faire de ce que les autres pouvaient penser d’eux. Ils ne faisaient rien de mal, de toute façon. Ce soir, c’était juste eux.

ce n'était pas exactement de cette manière qu'elle avait imaginé la soirée, iolanda. elle n'aurait jamais cru se re-pointer seule dans un bar pour boire un verre, avec elle-même pour unique compagnie. surtout après l'expérience désastreuse de la dernière fois. elle s'était bien vite rendue compte que l'alcool et elle, ça ne faisait définitivement pas bon ménage. qu'importe, elle se contenterait d'un verre. histoire de ne pas être obligée de dire à narcissa qu'elle n'avait pas suivi ses conseils en tirant un trait sur cette sortie. l'établissement s'annonce déjà trois cents mètres à la ronde, ça fait un bruit monstre et c'est dix fois pire une fois à l'intérieur. autant elle n'est jamais contre un bon concert, autant elle se passerait volontiers des voix de casserole de tout brighton qui semblaient s'être donné rendez-vous aujourd'hui. elle ne se sent pas à sa place et elle en veut à la terre entière, la kiné. la jeune inconnue lui ayant malencontreusement écrasé le pied pourrait presque en témoigner. pourtant, elle se radoucit face à sa bouille d'ange. elle aussi rêverait d'être partout ailleurs, ça se voit sur ses traits si fins. alors elle prend le parti de lui tendre la main, on surmonte toujours mieux les épreuves à deux. elle te fixe l'étrangère, puis finalement elle te sourit en retour. tu ne comprends pas très bien mais tu mets le tout sur le compte du bruit qui fausse votre conversation. elle ne semble pas bavarde, inutile de perdre davantage de temps. toutes deux parties en direction d'un endroit ou obtenir un rafraichissement, iolanda soupire quand elles atteignent enfin le graal. parvenir à captiver un serveur sera désormais la deuxième étape à franchir. pour pallier à l'attente désagréable, la jeune femme blonde se décide à briser le silence, dans une phrase que iolanda peine à déchiffrer dans le brouhaha ambiant. elle se répète bien plus fort. tu t'appelles comment au fait ? moi c'est rhian ! tellement que quelques regards se tournent vers elles, dans l'assistance. ça fait rire, la brune. mais elles devraient bien s'y habituer puisque ce serait leur seul moyen de communiquer à l'intérieur de ce bar. ravie de te connaître rhian. c'est joli en tout cas, c'est de quelle origine ? d'aussi loin qu'elle se souvenait, elle n'avait jamais entendu un tel prénom. c'était plutôt original quand on y pensait. moi c'est iolanda. tandis qu'un sourire étire ses lippes, elle se présente à son tour. alors comme ça, t'es pas du genre à t'improviser chanteuse d'un soir toi non plus ? elle avait l'air de rougir vite, la gamine. et la kiné avait comme l'impression qu'elle donnerait n'importe quoi pour disparaitre dans un trou de souris quand elle ne se sentait pas dans son élément. c'était l'incident de tout à l'heure, suivi par sa réaction qui lui avait mis la puce à l'oreille. un serveur s'approche et s'intéresse finalement à elles deux. ni une, ni deux, la brune saute sur l'occasion, préférant éviter de passer encore de longues minutes noyée au milieu des corps. ce sera un mojito s'il vous plaît. dans une tentative déjà vaine, elle jette un oeil alentour, espérant mettre le doigt sur une table vide. mais la foule obstrue toute vision. tant pis.

(@rhian penwyn )

Jessi, elle avait espéré ce moment depuis quinze ans. Qu’ils fassent une trêve, qu’il se laisse de nouveau aller en sa compagnie. Elle avait longtemps espéré le retrouver. Elle se doutait bien qu’agir de la sorte n’était pas facile pour lui, qu’il devait faire un effort considérable. Mais il le faisait tout de même. Car Jessi, elle venait en paix. Elle essayait de ne pas parler du passé. Le passé est ce qu’il est, et même si elle s’est longtemps excusée auprès de lui, elle n’allait plus faire de même à présent. Non pas qu’elle ne regrettait pas son geste, mais parce que Cole, au fond, savait déjà tout. Ou presque. — Avec plaisir. Cette proposition lui faisait chaud au coeur. Et ensemble, ils se dirigèrent vers une table encore libre non loin de la scène. Prenant place à ses côtés, elle but une nouvelle gorgée de sa bière, comme pour se déstresser. Elle se replongeait des années auparavant, alors qu’ils n’étaient que des gamins amoureux et insouciants, participant à toutes les soirées karaoké qu’ils trouvaient. Elle poussa un long soupir avant de se tourner vers Cole. — Si tu me trouves une chanson, je veux bien chanter, pour toi.

@Cole Baldini

Il ne savait pas vraiment ce qui lui avait prit. Un mélange de nostalgie et de pitié avait remplacé la rancoeur dans son coeur, assez longtemps du moins pour qu’il l’invite à rester avec lui, pour cette soirée. Ça n’engageait rien. Ça ne pouvait rien engager. Jessi lui avait fait trop de mal pour qu’il se laisse séduire par son joli visage et son doux sourire. C’était pour ça qu’il avait quitté l’Irlande, après leur rupture. Il ne pouvait pas rester près d’elle sans défaillir. Il était trop faible face à elle, l’amour qui lui portait tentant toujours de refaire surface malgré les années qu’il avait mit à l’enfouir au plus profond de lui. Cole l’accompagna à une des tables libres, tout près de la petite scène, s’y asseyant en silence. Ça n’était pas la première fois, qu’ils se retrouvaient assis ensemble, depuis leur retrouvaille. Mais ça n’en était pas moins bizarre. Son regard balançait entre la scène et sa bière, évitant absolument de regarder la brune à ses côtés. Il était anxieux, le Baldini, plus qu’il ne pouvait l’avouer. Sa présence le troublait au plus profond de son être. Il détourna le regard vers Jessi lorsqu’elle reprit la parole, l’observant un instant avant de lui répondre. — Tu peux toujours chanter celle que tu avais chanter à notre première soirée. — Car leur premier rencard, c’était à une soirée comme celle-ci qu’ils l’avaient passé, et la voix de Jessi qui chante l’avait envouté telle une sirène. Il trouva rapidement sa proposition de chanson déplacé, et détacha son regard du sien, avant de prendre une voix totalement détaché pour ajouter. — Parce que je sais que tu la connais, celle-là. C’est tout. — Ce n’était pas tout, mais ça, il était hors de question qu’elle le sache.

@Jessi Byrne

Assise là, aux côtés de Cole, la rendait toute bizarre. Elle ne savait pas réellement comment réagir. Elle bouillonnait en elle, elle avait envie de lui raconter tellement de choses. Sa vie à Manchester, sa passion pour la peinture qui n’était jamais partie, le bonheur d’être venu à Brighton et d’avoir ouvert sa propre galerie d’art. Mais surtout, lui parler de Carl. Leur fils. Mais Jessi ne voulait pas tout faire foirer, non. Elle allait se contenter de profiter de ces moments, de les chérir. Car chaque moment en compagnie de Cole est précieux pour elle. Jessi poussa un soupir. Elle aurait dû se douter de sa réponse. — Tu es sûr ? dit-elle en le questionnant. Elle ne savait pas si Cole était sincère, ou pas. Car au vu du titre de la chanson, sa proposition aurait pu parfaitement être ironique. Jessi plongea son regard dans le sien, essayant de deviner ce qu’il souhaitait réellement et surtout, essayant de retrouver ces gamins qu’ils étaient autrefois. Elle haussa les épaules. Elle ne savait pas sur quel pied dansé avec lui. Elle se leva de sa chaise et alla trouver l’homme en charge du karaoké, annonçant qu’elle était la prochaine et surtout, la titre de la chanson choisie. En attendant son tour, elle se faufila en direction du bar, essayant d’éviter le regard de Cole. Elle commanda deux bières. Jessi alla en déposer une sur la table, face à son ex-mari, avant de rejoindre la scène qui l’accueillait à bras ouverts. Se retrouver là, sur une scène, dans un bar, face à ces inconnus, la rendait toute chose. Elle ravala sa salive. Et comme dix-neuf ans auparavant, c’est sur Cole qu’elle posa son regard, comme pour se rassurer. Elle inspira profondément avant d’entamer la chanson, la boule au ventre. — Don't go breaking my heart ..

@Cole Baldini

C’était le silence. Il ne savait pas quoi dire, quoi faire, pour que les choses soient moins pesantes. Pourtant, c’était bien trop bizarre d’être à ses côtés et de parler comme si de rien n’était. Comme s’il ne s’était jamais rien passé. Il en avait encore le coeur brisé, Cole, de la trahison de Jessi. Le tromper pour son abruti de petit frère. Encore aujourd’hui, il trouvait ça fou. Il s’était renfermé, tentant d’oublier les sentiments qu’il avait eu pour elle, un jour. C’était bien trop dur, de l’aimer encore. Sa proposition lui sembla bien vite déplacé. Il ne voyait pas pourquoi il lui avait proposé ça, c’était presque idiot. Pourtant, quand Jessi lui demanda s’il était sûr, le Baldini hocha la tête pour confirmer, avant d’engloutir une gorgée de sa bière. Ça ne lui ferait rien. Il voulait se convaincre que ça ne lui ferait rien de la voir sur une scène quasiment identique, lui chanter cette chanson, celle qui avait tout changer entre eux. Jessi le regardait bien trop intensément, et même si Cole tenta de soutenir son regard un instant, il en fut trop déstabilisé, et détourna finalement le regard. Il la senti simplement se lever, et il s’accorda un long soupir, comme s’il avait retenu sa respiration tout ce temps, pendant qu’elle était là. Ça donnerait une bonne raison aux vertiges qu’il avait, même s’il savait que la jolie brune en était la seule responsable. Finalement, il la vit monter sur scène, comme à l’époque. Tout était exactement comme à l’époque, jusqu’à ce que les quelques notes de cette maudite chanson commence. Il l’avait ré-entendu, depuis. À vrai dire, c’était comme si elle le suivait. Dans les bars, à la radio, dans les émissions de télévisions. Il avait toujours le même sentiment, quand il entendait cette introduction. Un pincement au coeur, un noeud à l’estomac, la soudaine envie d’éclater en sanglots en se souvenant de tout ce qu’ils avaient traversé. Il n’en fit rien, regardant simplement Jessi qui se lançait dans cette chanson qui voulait tout dire pour eux. Qui en disait trop, même. Lorsque le premier refrain arriva, s’en fut trop pour l’architecte. Il but les dernières gorgées de sa bière, enfilant sa veste avant de se lever et de quitter la pièce. Il ne pouvait pas l’écouter plus longtemps, c’était trop douloureux. Il ne pouvait pas s’infliger tout ça, pas après tant d’années à surmonter ce chagrin.

@Jessi Byrne

Tout s’était déroulé assez vite. D’abord sa proposition, ensuite le choix de Cole. Et elle était maintenant là, debout sur cette scène face à ce micro, comme il y a dix-neuf ans. Elle n’aurait pas du proposer cette idée débile. Comme si ça allait pouvoir changer quelque chose entre eux. Mais Jessi s’était laissée aller, car le destin l’avait à nouveau mise sur la route de Cole et elle n’avait pas envie de le laisser s’enfuir. Alors elle est montée sur scène, la boule au ventre. Comme la première fois. Elle n’avait pas vraiment osé le regarder, car cette chanson signifiait bien trop pour eux. Or, maintenant, elle n’est signe que de souffrance. Pourquoi avait-il choisi cette chanson à cet instant ? Elle n’en savait rien Jessi, mais elle s’était pourtant mise à chanter. Les larmes au bord des yeux. Elle essayait de ne rien laisser paraître devant la foule et Cole, mais sa voix la trahissait quelque peu. Et alors qu’elle entamait le refrain, elle vit au loin, Cole terminer sa bière et se lever rapidement. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre. Ça en était trop pour lui. Et pour elle aussi. Alors Jessi s’arrêta, s’approcha du micro. — Je suis désolée. Elle descendit rapidement de la scène, laissant les spectateurs ébahis et déstabilisés par ce qu’il venait de se passer. Elle se rua à l’extérieur du bâtiment, retrouvant Cole. Est-ce que c’était une bonne idée de l’avoir suivi ? Jessi n’en savait rien. Et de le voir comme ça les larmes au bord des yeux, lui brisa le coeur. Elle ne sut que dire. Alors, elle se contenta de la regarder. Et puis elle sentit une larme couler le long de sa joue. Il était temps pour elle de partir. — Je suis désolée Cole. Pour tout. Elle le regarda une dernière fois, avant de s’enfuir dans la nuit, les larmes ruisselant sur ses joues rosies par l’émotion et le froid.

@Cole Baldini