Un café, deux cafés, peut-être même trois ou plus, Will a perdu le compte de sa consommation, comme il a perdu le compte des heures passées derrière son bureau, l'écran blanc de son ordinateur se reflétant sur son visage fatigué par une nuit sans sommeil. Certes, il ne s'est rien passé de spécial, quelques arrestations près de boites de nuit survoltées de la ville, sur les trottoirs des bars au milieu d'une foule alcoolisée, une pinte de bière à la main et l'air de ne plus vraiment savoir leurs noms ou leurs adresses. A l'arrière de leur bagnole, ils ont pêché un petit dealer de rien du tout qu'ils ont ramené pour l'interroger, voir s'il pouvait balancer quelques noms avant l'arrivée de son avocat, lâcher quelques informations qui leurs seraient bien plus que sa présence dans leur poste de police. Rien, que dalle, même pas un surnom à se mettre sous la dent. En somme, une vraie nuit de merde, et la matinée de merde à remplir des rapports qui suit. Tournant les yeux vers son coéquipier tout aussi fatigué de lui, Will lui fait un signe de menton sans trop savoir ce qu'il signifie mais obtenant en retour, un vague hochement de tête. Marre, voilà ce que ça doit signifier en langage codé d'inspecteurs qui préféreraient se trouver dans leurs lits, devant leur télé, à jardiner, tout et n'importe quoi plutôt que d'être là à frapper avec anxiété sur leur clavier d'ordinateur juste pour justifier leurs faits et gestes de la veille. Au moins, quand la prochaine heure sera terminée, aura-t-il le reste de sa journée pour s'adonner à son activité favorite : ne rien faire de spécial. Will rêve de sa petite maison, rêve de la mer le matin, si peu agitée quand personne n'est là pour la regarder, de son chien qui se mettra à courir comme un dingue sur la plage pour ramener du sable froid dans le salon. Une vie peinarde... C'est pas pour cette raison qu'il est revenu ici ? Qu'il a laissé Londres derrière lui ? Dit adieu aux pubs de la capitale, aux femmes dans leurs petites robes et leurs hauts talons, ignorant le froid pour montrer leurs jambes infinies ? Si c'est le cas, il aurait pu y réfléchir à deux fois. Dans un soupir, il décale sa chaise roulante, attrape son paquet de clope et balance à son co équipier qu'il sort fumer quelques minutes. Dehors, le froid matinal lui pique les joues, semble le réveiller quelque peu. Dieu que ça fait du bien. Un visage familier gravite autour du poste et Will arque un sourcil, le dévisageant quelques minutes, la clope pendue au coin des lèvres. « Oï, Smith ! » il fait rouler la pierre de son briquet, danser la flamme pour embraser la pointe de sa cigarette, tire sa première bouffée et dans un sourire en coin, recrache une longue ligne de fumée. « vous êtes bien matinal, monsieur l'enquêteur. »