Naofel crée l'illusion.
Bien habillé, brossé, parfumé, son apparence a le contrôle.
Pas lui.
D'une parce qu'il fait froid, l'air grignote sa peau, ronge ses doigts, et Nao a beau fumer pour oublier ses tremblements, le mal est déjà fait, sa place est partout, sauf là.
Il est trop tard pour seulement profiter de la beauté des lieux. Salement dégueulasse de jour, the grand brighton hotel a beaucoup plus de gueule une fois la nuit tombé. Naofel passe régulièrement devant mais il s'y attarde jamais bien longtemps, il n'est pas encore assez bête pour penser qu'il a quoi que ce soit à faire là-dedans.
Alors pourquoi ?
Qu'est-ce qu'ils font là ? Qu'est-ce qu'il fait là ?
Ce n'est pas son idée évidemment. Ses temps libre goûtent north laine, et tequila. Naofel aime noyer son ennui toujours aux même endroits, dans de minuscule bars de préférence, où la température monte en quelques secondes.
Pas Laurent.
Alors sur le chemin, Nao a retourné mainte et mainte fois la question pour sauvegarder trois possibilités. 1) Le danseur a une passion dévorante pour tout ce qui est beau, cher et déprimant. 2) Il se fou de sa gueule – parce qu'il n'y a dans ce monde rien de plus passionnant - 3) Il commence doucement à croire en lui, abandonne l'idée de le résonner et cette soirée n'est qu'une étape comme une autre vers ce qu'il a toujours espéré.
Qu'importe la réponse, elle sera frustrante. Parce qu'il l'est déjà, frustré. Frustré d'être là, d'avoir accepté, d'avoir mis deux heures pour s'habiller.
Imbécile.
Il pourrait partir, son appartement n'est pas si loin mais il fini par rentrer. Dans le hall, du marbre, de la moquette et tout un univers qui pique les yeux. Laurent est déjà là. Il, il s'harmonise avec le  décor. Est-ce étonnant ? C'est une étoile, pas n'importe qui. Naofel glisse dans sa direction. Mécaniquement, ses doigts lisse sa chemise, comme pour faire disparaître toute trace de tension. Qu'est-ce qu'on fait là? Quel genre de plan foireux germe dans ta tête, Borgia ?
Qu'est-ce qu'il l'attend ? Colère, délice ou désespoir ? Délice. Ça ne peut être que ça. Laurent, Laurent n'est pas quelqu'un de méchant, ce n'est pas son genre de piétiner le rêve des gens. Non. Peu importe, je te suis. Ce soir, c'est toi le patron.

franchement, il doit avouer qu'il est surpris.
il arque un sourcil quand son regard se pose sur le paumé. ça se voit à des kilomètres putain. tu pourrais faire un effort, a-t-il envie de lui hurler. à la place, il attend que le bonhomme le rejoigne. il est sûr que le hall a déjà repéré cette proie facile, hors de son élément, joli minois. les prédateurs se mettent en place.
laurent lève les yeux au ciel quand il repère l'une de ses anciennes conquêtes mais reporte vite son attention sur son voisin.
fel a effectivement fait un effort, et sa putain de chemise fait ressortir une mâchoire aussi tranchante qu'une lâme de rasoir. lâme de rasoir. il chasse la pensée de son cerveau. il aurait jamais cru qu'il reposerait les pieds ici. c'est pas qu'il aime pas le milieu, mais si, en fait. il l'a fui, et c'est pour une raison. et c'est cette même raison qu'il veut imprimer dans le cerveau en caillou du débile qui lui sert de compagnon ce soir.
on lui a proposé de venir à ce stupide gala de charité. quelle charité ? celle des riches qui donnent même pas 1% de leur fortune pour des gens qu'ils méprisent du haut de leurs tours de verre.
laurent accepte une flûte de champagne sans même regarder le serveur. c'est ça, la lourde vérité. les seuls humains sont ceux qui vous sont égaux, et encore. ceux qui peuvent vous apporter quelque chose. et ce soir là ? c'est nao qui a besoin de trouver un bienfaiteur. ou pas.
il a pas l'air de savoir lui-même ce qu'ils foutent là. un plan foireux. borgia ricane.
- c'est ta vie le plan foireux, mec, alors sois sympa et ferme-la
il porte la flûte à ses lèvres. il a envie de montrer à nao que c'est pas un monde pour lui, les paillettes, l'hypocrisie. et ca lui brise presque le coeur quand il lui donne le titre de patron, de capitaine. parce que laurent, il sait s'y prendre avec cette jungle de vipères.
son regard balaye le hall.
faire voir la vérité à nao, c'est ça son but. il veut pas vraiment l'aider, quand même ? son regard finit par enfin se poser sur la silhouette recherchée. capucine.
- inès
- john.
il sait très bien qu'elle connait son prénom. elle sait très bien qu'il connait le sien. ils sont tous les mêmes ici.
regard azuré, glacial. jusqu'à ce qu'il se pose sur son compagnon du soir. laurent, il est déjà catégorisé depuis longtemps, c'est plus son physique qui l'aidera à avoir les bonnes grâces de qui que ce soit. mais nao ? nao, personne le juge, c'est le chiot dans un nid de serpents que tout le monde veut avoir le privilège de manger.
parfait.
- monsieur... ?
laurent sourit, narquois.
exercice numéro un.
impressionne-moi.

Naofel a cette boule dans la gorge qui grossi au fur à mesure du temps qui passe. Il sourit pourtant, du mieux qu'il peut, car c'est visiblement ce que Laurent attend de lui mais son cœur, son cœur pleure. Parce qu'il raison. Cette soirée, il le sent, va lui donner raison.
Il ne sait même pas se tenir droit, chaque fois qu'il essaye son dos lui rappelle qu'il n'est pas fait pour ça. Alors Fel abandonne, à la place il déambule main dans la poche. Parce qu'il est détendu.
Est-ce qu'il a l'air détendu ? Merde, la nonchalance est tout ce qu'il n'est pas aujourd'hui.
Fel aurait dû le comprendre à l'invitation.
Ce n'est pas une simple soirée, c'est la mise en abîme de ce qu'ils détestent tant chez l'autre. C'est, c'est Laurent, son pessimisme, sa chute et son écœurement. C'est son pourquoi, le comment.
Et il ose parler de sa vie à lui ? Mais c'est qui le plus foireux de l'histoire ? Naofel rêve, il ne fait que ça depuis qu'il a l'âge d'être obsédé par quoi que ce soit, c'est éprouvant mais il s'accroche, parce que des regrets, il lui en reste encore et qu'il compte bien tous les épuiser. Mais Laurent ?
Ce n'est qu'un clown triste, un corps épuisé, décidé à le faire chier.
Ok, disons que tu gagnes pour le moment. Est-ce qu'ils servent autre chose que du champagne ? Il plisse le nez, Fel est incapable d'en boire. D'une parce qu'il déteste ça. De deux, parce qu'il en a trop bu (déjà), Des bouteilles de mauvaise qualité que la production leur servait régulièrement. C'était il y a longtemps – 5 ans exactement -  mais ses gueules de bois, elles, sont restés. Du coin de l’œil, Nao toise les quelques plateaux qui défilent et fini par attraper ce qui ressemble à un verre de vin, juste à temps pour assister au drôle d'échange entre John-Laurent et une certaine Inès.
Ils sont d'ailleurs, définitivement.
Naofel. Il sourit poliment et serre ses doigts autours de son verre. Puisque j’attends encore mon brit award, mon nom ne vous dis rien mais enchanté. Vous vous connaissez de...? Est-ce qu'elle sait au moins ce qu'est un brit award ? Peut-être aurait-il dû parler Filippo Taglioni  pour mieux l’interpeller ou oublier la musique tout simplement car 90% de ces gens n'ont pas l'air de s'y intéresser sérieusement. Il a envie de lui demander ce qu'ils font là ce soir, s'ils ont quelque chose à fêter, du genre fin de la faim au vu de l'étalage mais ce n'est sans doute pas la bonne question. Et c'est bien ça le problème, aussi rare soit-il, Fel n'a rien d'intéressant à dire, pas même de quoi meubler le silence persistant. Alors il boit, s'intéresse à tout ceux qui ne le regarde pas.