- wyatt & alaina -
A look in somebody's eyes, to light up the skies
To open the world and send it reeling.
Le comptoir commençait déjà à être plus trouble, mon cocktail me semblait moins fort qu'au début, ou m'étais-je habituée ? J'avais définitivement perdu le compte et m'était perdue dans toute notion de temps. Mais étonnement, je ne me sentais pas ivre, je me sentais plutôt libre. Quelque chose que je n’avais pas ressenti depuis très longtemps. Les rires autour de moi me rappelaient combien j'étais seule, un vendredi soir. Mon besoin de nicotine se faisait plus important encore, mais je n’avais pas la force de traverser le bar et affronter tous ces visages. Ils m’étaient tous inconnus et pourtant, dans mon esprit, ils me jugeaient. Et leur jugement me paraissait important. J’étais clairement pathétique. La patronne du bar me jetait quelques regards inquiets, se demandant sûrement à quel moment j’allais me lever pour courir vomir ou quand est-ce que je fondrais en larmes en me lamentant sur un amour perdu. Ou quelque chose du genre. Après tout, j’avais sûrement l’air d’être ce genre de femme. J’avais troqué mon visage de reine des glaces, mes vêtements de haute couture et mes escarpins. Ce soir, je n’étais qu’Alaina. Alaina vêtue d’une chemise bucheron, d’un jean noir et de bottines au style rock. N’importe quelle personne qui m’aurait croisée ce soir dans cet attirail ne m’aurait sûrement jamais reconnue. Et c’était probablement la raison qui m’avait poussée à venir ici, à Brighton. A prétexter à mon fiancé que mon père avait besoin de moi en urgence. A venir boire seule dans ce pub sur la jetée. Dans cette ville que j’avais toujours détestée, je trouvais mon refuge ce soir. Mon échappatoire à cette vie qui m’étouffait. Soudainement, lassée de m’apitoyer, je décidai de monter explorer l’étage et cette salle d’arcade que l’on pouvait distinguer du comptoir. Après tout, je me débrouillais au billard, quitte à être seule, autant m’occuper. Lorsque j’eus atteint la mezzanine, je fus fascinée par autant de jeux d’arcades : des vieux flippers, un jukebox, un immense billard, un babyfoot… je me sentais étrangement dans un environnement familier et rassurant. Je caressais le rebord du billard lorsque j’entendis une voix masculine derrière moi, me proposant une partie. Je m’apprêtais à le congédier lorsque je me tournai et tombai nez à nez avec un sourire à tomber à la renverse et un visage qui aspirait la confiance. « Je suis meilleure au karaoké normalement, mais j’imagine que je ne dois pas avoir perdu les quelques bases. », répondis-je en haussant les épaules, tout en osant un sourire vers l’inconnu. D’ordinaire, je l’aurais remis à sa place avec la froideur dont je pouvais faire preuve. Mais j’en avais assez d’être seule. Ou peut-être avais-je trop bu déjà.

 
- wyatt & alaina -
A look in somebody's eyes, to light up the skies
To open the world and send it reeling.

C'est le coeur vide, un peu anesthésié que Wyatt se trainait ces temps-ci. Alors qu'il pensait que sa vie perso ne pouvait être plus morne et chaotique, il semblait que la tristesse de sa routine était en train de le tuer. Depuis le départ de Banks, Wyatt était moins joyeux, moins entrainant, moins insouciant que d'habitude ce qui déstabilisait son entourage, ses soeurs les premières. Wyatt savait jouer les joyeux lurons, il n'était pas du genre à inquiéter tout le monde ou à faire preuve de faiblesse mais le temps qui passait accentuer sa solitude et son besoin de se poser. A croire que le départ de celle pour qui il s'était découvert des sentiments lui avait servi d'electro-choc. Pour la première fois depuis son ex Cameron, Wyatt se posait la question de savoir si il n'était pas temps pour lui de se ranger et de faire les choses biens, de s'inscrire sur un site de rencontre à la con, trouver une nana sympa et pas trop chiante et enfin donner les petits-enfants que sa mère lui réclamait. Puis il croisait une jolie fille dans un bar et toutes ses résolutions étaient balayées d'un revers de la main. Wyatt était un éternel gamin à la recherche de distractions et de bons moments à passer, il était incapable de rester chez lui à déprimer et le Blue Crab, le bar de sa soeur était évidemment un de ses refuges favoris pour des raisons évidente : la présence de sa soeur avec qui il entretenait le plus d'affinités et de la bière gratuite. Sans parler des mozzarellas sticks que Joan prenait la peine de lui faire décongeler quand il savait qu'il passait. 
C'était donc repu et la tête vierge de toutes idées sombres que Wyatt s'adonnait chaleureusement à l'art des fléchettes dans le bar de sa soeur avec des vieux de la vieille de Brighton qui connaissaient bien son père du temps où ils étaient encore tous jeunes. Désormais, le vieux Fairchild restait chez lui auprès de sa femme et c'était le fils qui l'avait remplacé au comptoir. Les blagues fusaient, les vannes aussi et après une bonne heure de bataille où Wyatt les avait tous rétamés grâce à son compas dans l'oeil, le beau pompier décida d'aller voir ce qu'il se passait à l'étage du billard. Lorsqu'il arriva à proximité des tables, une femme se tenait devant. Il l'avait déjà vu en bas toute à l'heure, elle semblait seule et un peu lasse, pas vraiment dans le mood d'être dérangée alors Wyatt n'y avait même pas pensé. Mais là qu'ils se retrouvaient que tous les deux. "Une partie, ça te tente ?" La femme se retourna et Wyatt la trouva plutôt mignonne quoique son visage lui était totalement inconnue. Il savait que bon nombres de londoniennes venaient parfois en week-end à la campagne pour se ressourcer avant de retourner à la ville. Peut-être en faisait-elle partie. Qui sait. "Les bases te suffiront. J'suis pas un champion non plus." Faux. Tous les sports de précision étaient son truc. Mais hors de question de la décourager de jouer avec lui, Wyatt enleva les triangles qui tenaient prisonnières les boules de billards, signe que la partie pouvait commencer. "Avant que je te laisse l'honneur de commencer : on parie quoi ?" Son éternel sourire charmeur sur le visage, une lueur de malice à peine dissimulée brillait dans le regard du pompier qui venait de se trouver une super distraction pour la soirée. Wyatt venait de retrouver un peu de baume au coeur. Cette soirée lui changeait vraiment les idées.

- wyatt & alaina -
A look in somebody's eyes, to light up the skies
To open the world and send it reeling.
La raison de ma présence à Brighton ce soir était d’autant plus étrange qu’elle avait été celle pour laquelle j’avais fui à Londres dès que je l’avais pu. Cette ville me la rappelait, cette ville avait des airs de Galway, cette ville lui aurait véritablement plu. Bien que je haïssais tout ce qui pouvait me replonger dans des souvenirs désormais douloureux, je m’étais précipitée dans cette ville que j’avais tant détestée dès notre arrivée ici, il y a plus de quinze ans. J’éprouvais comme un besoin soudain de me rapprocher d’elle, en me trouvant pourtant à des centaines de kilomètres de notre maison, de notre Irlande natale. Et à quelques semaines de cette sordide date, chaque réveil devenait plus difficile. Devoir affronter ces journées mornes et pâles, étouffer dans une vie trop parfaite, être figée derrière un masque. Elle me manquait, aujourd’hui plus encore, elle qui aurait tant compris mes ambitions et mes craintes. A ces pensées, je finis mon verre d’un trait et continuai à explorer l’étage. Tout semblait chaleureux et authentique, je ne pouvais qu’avouer que ce pub avait beaucoup de charme, et étrangement, il me forçait à faire tomber le masque, à mesure que je parcourais la pièce. Jusqu’à ce qu’une voix n’interrompe ma contemplation de la magnifique pièce centrale à laquelle la voix faisait justement allusion. Je me tournai sur un inconnu, dont le sourire charmeur et le regard me firent arquer un sourcil ; d’ordinaire, j’aurais instantanément remis ce malotru à sa place, et pourtant, quelque chose en lui m’était familier. Il semblait s’accorder parfaitement à l’endroit et y être totalement à son aise, comme s’il avait fait sa place au milieu du mobilier. Un habitué visiblement, puisque je l’avais vu en bas rire à gorge déployée avec de joyeux lurons. « Bon alors si tu admets d’ores et déjà avoir une faiblesse, je joue ! » Je lui fis un sourire malicieux, presque mutin, jouant la carte de la dominatrice, ce qui ne dénotait pas réellement de mon personnage habituel. Sauf que ce soir, je jouais plus que je ne me cachais derrière le mur. « Ah, j’aurais dû me douter que ce n’était pas sans contrepartie ! Laisse-moi réfléchir… » Je m’emparai déjà de la queue de billard, fixant quelque peu mon adversaire, l’air de réfléchir, tout en prenant bien le temps de le faire miroiter assez longtemps, le sourire toujours aux lèvres. « Tiens, on a qu’à dire que chaque fois que je rentre une boule, tu me confies quelque chose que tu juges intéressant ou insolite sur toi. Le genre de chose que l’on ne dit pas à tout le monde, pas aux inconnues dans les bars en tout cas. Et vice versa. Alors, deal ? » Je n’attendis pas sa réponse et fis résonner mon premier coup contre la boule blanche, qui vint éclater le triangle bien formé et rentra deux boules d’un coup. « Et en plus, tu as la chance de commencer par me dire deux choses sur toi ! » Je relevai mon buste jusqu’alors collé à la table et contournai légèrement la table, prête à frapper à nouveau, sans jamais lâcher l’inconnu du regard. Ce sourire n’avait plus l’air de vouloir se ternir des pensées noires qui m’occupaient quelques minutes auparavant. Je retrouvais ma nature joueuse, et pour la première fois, je n’éprouvais aucun remord à profiter de l’instant.

Cette nana, c'était exactement ce qu'il lui fallait pour ne plus se laisser polluer par tout ce qui l'empêchait de dormir ces derniers temps. Une pause dans sa routine dégueulasse qui l'emmerdait au plus haut point, alors qu'il était à deux doigts de tout remettre en question de A à Z. C'était pas grand chose, juste une partie de billard avec une inconnue mais c'était surtout l'occasion de lâcher prise. La femme semblait avoir son âge, ou en tout cas pas très loin. Ca lui changeait de toutes les minettes qu'il rencontrait ces derniers temps. Il songea un instant qu'elle allait refuser sa proposition mais finalement la belle inconnue se laissa tenter, sa répartie le fit sourire et Wyatt se félicita de son radar à bonnes ondes. Ils allaient passer un chouette moment surtout avec autant de bonne volonté de la part de son adversaire. "On joue toujours mieux quand on a quelque chose à perdre... Où à gagner." répliqua Wyatt, toutes dents dehors et ravi de savoir qu'elle consentait à pimenter la partie.
Néanmoins le beau pompier ne s'attendait pas à ce que les choses prennent une tournure aussi intime. Il haussa les sourcils sans se départir de son sourire lorsqu'elle proposa de se confier à chaque point marqué et Wyatt ne put s'empêcher de rigoler. "Ok, je veux bien jouer le jeu mais comment je sais si tu vas pas te barrer au courant en apprenant un truc sur moi ? Puis qui me dit que tu vas pas aller tout répéter à ma soeur qui tient le bar en bas ?" demanda t-il d'un air faussement méfiant. Quelque part, le fait de devoir se confier sur des choses dont il n'avait pas envie de parler en temps normal avait des allures thérapeutiques. L'ironie était qu'il l'avait abordé pour se changer les idées et que finalement il allait se retrouver à parler de lui. Quoique si il se concentrait, ce serait également un excellent moyen d'en apprendre plus sur elle. La belle n'attendit pas sa réponse et se contenta d'ouvrir les hostilités, Wyatt suivit du regard les chemins des boules de billards et hocha la tête. "Bon, ok, t'es plutôt bonne. Tu vas finir par en savoir plus que ma propre mère." concéda t-il en plissant les lèvres. Il se râcla la gorge, réfléchissant à ce qu'il allait bien pouvoir lui sortir puis reprit. "Je suis terrorisé par les nains, je sais c'est hyper discriminant mais quand je les vois ça me donne envie de partir en courant en hurlant comme une fillette. Du coup j'ai jamais pu regarder Game Of Throne." Sa plus grande peur était de devoir prendre en charge une personne atteinte de nanisme en intervention. Le pire était qu'il savait que c'était complètement con, Wyatt était un amoureux de l'être humain, aussi étrange que cela puisse paraitre il aimait tout le monde, sans distinction de couleurs de peau ou de sexe. Il avait foi en le meilleur dans les hommes mais cette phobie stupide s'expliquait par des cauchemars répétitifs qu'il avait fait enfant. Et ça le faisait vraiment passer pour un con. "Deuxième chose, je me suis ouvert la fesse y'a quelques mois en intervention et depuis j'ai une cicatrice à la Harry Potter sur la fesse droite. Alors, pas mal non ? Assez intéressant pour toi ?" Il se mit à jouer à son tour, espérant faire un super score mais il ne parvient à rentrer qu'une seule boule. Un peu déçu, il se gratta l'arrière du crâne en contemplant l'autre boule qu'il aurait pu marquer si il s'était un peu plus penché vers la droite et se retourna vers sa partenaire de jeu. "Allez à toi, dis moi quelque chose que t'as jamais dit à personne !" Il en souriait d'avance, alors qu'il n'avait aucune idée de la réponse. Ce jeu était plutôt excitant finalement.